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Actualités  |  Mardi 3 mars 2020

Premiers craquements de la mondialisation?

La mondialisation est emmenée par trois moteurs: les droits de l’homme universels, le progrès technique et l’économie de marché. Les droits de l’homme, égalitaires et individualistes, supplantent peu à peu les droits traditionnels des nations. La technique réduit les distances en matière de transport et les supprime en matière de communication. L’économie de marché abaisse les frontières pour se déployer pleinement et sans entraves. L’anglais devient la langue mondiale unique, et pas seulement dans l’informatique.

La puissance de ces trois moteurs semble irrésistible. Il faut du courage pour s’y opposer. Les plus anciens à le faire sont les partis dits «populistes». Craignant que l’immigration ne bouleverse l’ordre social et culturel du pays, défendant les traditions locales, ils connaissent de beaux succès électoraux. Les gouvernements n’en poursuivent pas moins leur politique migratoire ordinaire. Que se passera-t-il avec les vagues supplémentaires de migrants que nous annonce M. Erdogan?

Ce fut ensuite le front syndicaliste qui s’ouvrit, avec le constat que l’abaissement des frontières menace les intérêts des travailleurs. Car la mondialisation, c’est aussi l’ignorance des lieux où se prennent les décisions, la délocalisation des productions, la dégradation des politiques sociales, la suppression des mesures d’accompagnement. C’est pourquoi les syndicats s’opposent au fameux Accord-cadre, destiné à «dynamiser» nos relations avec l’Union européenne, mais qui affaiblit notre souveraineté, notamment dans le domaine du droit du travail.

Le troisième front est celui des écologistes. Ils veulent une consommation proche des producteurs. Cette immédiateté rendrait seule possible un vrai contrôle de qualité des produits. Elle réduirait les frais de transports et l’empreinte carbone des marchandises. Le discours écologique, électoralement porteur, est adopté d’enthousiasme par l’officialité… laquelle s’apprête simultanément à signer, à travers l’AELE, des accords de libre-échange avec l’Indonésie ainsi qu’avec l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay.

Tout récemment, le coronavirus a suscité un nouveau front. Il est d’autant plus efficace qu’il ne repose pas sur des idées plus ou moins morales, mais sur la réalité des faits. Ainsi, d’un jour à l’autre, des industries se trouvent privées de nombreux produits de base qui leur étaient livrés par la Chine. Ne faut-il pas relocaliser pour garantir notre maîtrise industrielle? Le tourisme de masse apparaît brusquement comme un secteur particulièrement risqué de notre économie. Ne faut-il pas fermer les frontières au nom de la santé publique? Si la pandémie et ses incertitudes durent, les partisans de la libre circulation, sur laquelle nous voterons le 17 mai, ont du souci à se faire.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 3 mars 2020)