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Actualités  |  Mardi 25 mai 2021

Protégeons nos libertés contre nous-mêmes!

Tout le monde aspire, d’une façon ou d’une autre, à la liberté, liberté de parler, de circuler, de travailler, de s’associer. Et voilà plus d’une année que les pouvoirs publics brident ces libertés dans un réseau mouvant d’interdictions et d’obligations: les masques protecteurs qui nous raccourcissent le souffle et embuent nos lunettes, les produits désinfectants qui nous dessèchent les mains, les gestes barrières qui font un adversaire potentiel de chacun de nos semblables, le confinement qui, parfois, s’identifie à une interdiction professionnelle, les frontières qui peinent à s’ouvrir, la perspective d’un passeport numérique obligatoire, le tout imposé dans un brouillard d’incertitude scientifique et politique.

Sur les réseaux sociaux, on dénonce des mesures «liberticides». Ce n’est pas tout faux. Mais les informations quotidiennes que nous recevons sur des régimes politiques réellement et durablement «liberticides» nous obligent à garder le sens des proportions et à ne pas utiliser ce terme à la légère. Nous ne sommes tout de même pas des enfants et nous pouvons souffrir, pour le temps que durera la crise, ces désagréables, voire catastrophiques mesures d’intérêt général sans dénoncer pour autant un Etat policier.

Et puis, il y a aussi les aides d’urgence de l’Etat. Bien des citoyens revendiquant leur liberté, patrons et indépendants, libertaires individualistes, rebelles de la culture et casse-cous de la start-up, ont reçu avec reconnaissance l’aide des pouvoirs publics. Ils ont accepté qu’un pouvoir étatique dont ils ne disent en général pas trop de bien leur apporte un soutien financier et compense tout ou partie de leurs pertes.

Ce mélange de contrôles et de subventions étatiques n’est pas critiquable en soi, s’il est limité dans le temps. Cependant, il peut nous induire à prendre des habitudes «autoliberticides». C’est une tentation qui ne doit pas être sous-estimée, car la liberté est difficile à assumer au quotidien. Elle nous impose de nous lever chaque matin. Elle exige de nous de porter une attention constante au monde qui nous entoure.

Etre libre, c’est assumer des risques, décider et agir en prenant une option sur l’inconnu. Etre libre, c’est s’engager: nos paroles et nos actions libres ont des conséquences et nous en sommes responsables. A l’inverse, il est très facile de nous dégager de nos responsabilités, de nous laisser aller aux circonstances et de nous reposer sur une aide extérieure.

Il n’est donc pas totalement absurde de craindre qu’ayant pris le mauvais pli de la soumission, amortis par les aides financières sans contrepartie de l’Etat providence, anesthésiés par l’omniprésence du pouvoir sanitaire, nous ne soyons tentés de prendre une distance confortable à l’égard des charges et des incertitudes de la liberté.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 25 mai 2021)