La centralisation fédérale nous éloigne de Lausanne
Lausanne est la seule commune vaudoise à avoir accepté l’initiative contre l’élevage intensif. Yverdon, Nyon, Montreux, Morges ou Écublens l’ont refusée à plus de 60%. Même Vevey l’alternative et Renens la rouge ont dit non. Contrairement à ce que nous vécûmes lors de précédentes votations (loi sur le CO2), le clivage n’a pas opposé l’arc lémanique au reste du canton. On retrouve ainsi une constellation similaire à celle des votes sur les deux initiatives phytosanitaires de 2021. Ce dimanche a cependant révélé que les sujets agricoles n’étaient pas victimes d’un clivage gauche-droite: les Vaudois ont en parallèle refusé la réforme de l’AVS.
De votation agricole en scrutin socioécologique, Lausanne tient invariablement une position aussi dure qu’idéologique. L’exceptionnelle homogénéité sociologique de son corps électoral explique ces votes. Les rapports de force et les débats au sein du Conseil communal lausannois la mettent bien en lumière.
Économiquement, ce corps électoral est principalement composé d’universitaires financièrement à l’aise, vivant directement ou indirectement de l’État. Politiquement, l’implication de ces derniers va pour les causes sociétales et écologiques, auxquelles une part de leur formation les a sensibilisés aux frais du contribuable. Pour eux, le recours à l’État va de soi, en toutes circonstances. De même, la question du fédéralisme, ou du niveau de décision, ne les intéresse pas, au contraire des grandes causes. Elles les autorisent à user d’un ton péremptoire, que renforce leur certitude très bourgeoise d’avoir moralement raison sur le fond.
Se pose en arrière-fond un enjeu d’unité du canton. On pourrait parfaitement recourir à la notion de communautarisme pour décrire la composition sociopolitique de certains quartiers lausannois, notamment le quartier de sous-gare.
Le problème s’aggrave lorsqu’on rappelle que Lausanne a, lors de moments-clés de notre histoire, joué un jeu contraire à celui du canton. Après avoir contribué à la venue des Bernois en 1536, les Lausannois condamnèrent Davel en 1723 et, en 1856, complotèrent avec Fribourg à propos de la ligne Lausanne-Berne, justifiant ainsi leur mise sous tutelle cantonale.
Compétences politiques cantonales
D’aucuns se réjouissent que lors des votations fédérales «la Suisse allemande nous sauve des Lausannois gauchistes». Cette vision n’est pas plus acceptable que la division vécue dimanche soir. Les Lausannois sont aussi vaudois que les Urbigènes. Il faut faire avec. La solution est ailleurs.
Posées au niveau fédéral, les questions sont formulées de manière plus abstraite, donc plus idéologiques. Les réalités y sont plus éloignées, et les personnes impliquées se connaissent moins. Plus le Canton perd de compétences au profit de la Confédération, plus il ressent profondément ses divisions. Lutter contre la centralisation, restituer des compétences politiques aux Vaudois, là réside une des clefs de leur unité.
(Félicien Monnier, 24 heures, 27 septembre 2022)