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Actualités  |  Mardi 23 novembre 2021

Impressions d’un cours d’état-major

L’armée suisse n’en finit jamais de former ses soldats. De la recrue au général, les écoles, stages de formation et cours de répétition se suivent et se complètent.

Me voici donc à Lucerne, sur la plaine de l’Allmend, pour les trois dernières semaines de ce qu’on appela longtemps l’École centrale 2. Si Armée XXI l’a rebaptisée «Stage de formation de commandement d’un corps de troupe», le concept n’a pas changé: apprendre la conduite d’une formation de 700 à 1000 hommes.

Je retrouve d’anciens camarades et découvre de nouvelles têtes. Mais le temps n’est pas aux retrouvailles ou présentations. Nos chefs de classe nous jettent vite dans l’eau froide du dur apprentissage de la planification militaire. Tous ont passé par la très exigeante École d’état-major général, à Kriens. Certains d’entre nous aspirent à leur y succéder. Ces instructeurs dosent subtilement l’équilibre entre nous prendre par la main et nous laisser nager. Le temps nous est très strictement compté: «Apprenez à identifier l’essentiel et à y aller!» Que cela soit dit en allemand n’y change rien: un officier doit savoir planifier sous stress et sans erreurs. À l’engagement, elles se paient par des morts.

On apprend la pensée en réseau. On articule les cinq facteurs que sont la mission, le milieu, les moyens adverses, les moyens propres et les délais. Si les armes de l’adversaire tirent à 5000 mètres et les miennes à 2500, quel terrain m’est-il le plus propice? Combien d’infrastructures critiques puis-je surveiller en un rythme de rotation de huit heures? Et le temps de trajet dans tout cela?

Après l’analyse vient la décision. Cette responsabilité inconditionnelle, un chef l’exerce seul. Le commandant de l’École centrale s’attelle à nous le rappeler lors de ses différentes «théories». On entend parfois les mouches voler.

Pédagogie et cris de supporters

La pédagogie est efficace et les participants apprennent vite. Surtout lorsqu’ils se surprennent à avoir le trac, à 33 ans passés, de présenter en douze minutes à leur chef de classe le résultat de dix heures de travail. Que la présentation débouche sur une note inquiète moins que la honte d’avoir mal travaillé ou raté un détail. Cela enseigne l’humilité au groupe de huit capitaines, tous anciens commandants, que nous formons. La mission prime. Sa planification passe avant les petites vexations de l’échec. Vertu bien peu contemporaine, on apprend à ne rien prendre personnellement.

L’école de recrues avait forgé notre camaraderie dans la sueur. Maintenant, nous la formons penchés sur des cartes striées de rouge et de bleu, inquiets sous des néons blafards de rendre un produit à temps. Dans la nuit nous parviennent les acclamations des supporters de l’équipe de Suisse défaisant la Bulgarie sur la pelouse de l’Allmend. Le soldat suisse s’entraîne pour assurer la liberté de ses concitoyens. Même s’il n’aime pas le foot.

(Félicien Monnier, 24 heures, 23 novembre 2021)