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Le Coin du Ronchon

P.-G. Bieri

CRV n° 144
Publié en 2006
156 pages
CHF 29.50
ISBN 978-2-88017-144-5

Le secret de polichinelle que beaucoup avaient fini par apprendre, tout le monde le saura désormais: le nom du Ronchon, placide et anonyme chroniqueur, depuis une décennie, des impostures, duperies et autres démences ordinaires de notre société crépusculaire. Il s’appelle Pierre-Gabriel Bieri. Ce nom orne officiellement la page de couverture du cent quarante-quatrième Cahier de la Renaissance vaudoise. Plus jamais les lecteurs trépignant d’impatience ne poseront aux autres rédacteurs la question flatteuse: «Dites, le Ronchon, c’est vous?» Hélas non, nous n’avons pas tant d’esprit.

Au fil des ans, le Coin du Ronchon est devenu une véritable institution dans La Nation. Il n’est pas de lecteur qui ne se jette prioritairement au bas de la page 4 pour déguster avec gourmandise son billet bimensuel. Mis en appétit par cet étincelant hors-d’oeuvre, on peut attaquer le reste. Ce coin réservé, au fond à droite de la dernière page, est devenu l’endroit le plus chic et le plus cher du journal; au Monopoly, ce serait Zurich Paradeplatz avec un hôtel, au moins. Les très rares fois où la chronique fait défaut, le mécontentement gronde au sein du lectorat: il ne faudrait pas plus de deux ou trois absences consécutives pour que la rédaction doive faire face à une campagne massive de désabonnements.

D’où vient le succès de ces billets d’humeur? Grâce au Ronchon, nos révoltes contre le monde moderne sont sublimées ou au moins domptées par l’ironie: sourire pour ne pas haïr. Jamais sentencieux, le Ronchon n’est pas un furieux, ni même un polémiste: il exprime ses dégoûts avec un tranquille mépris, décortique sans amertume les dernières retombées de la barbarie quotidienne. Le Coin du Ronchon, c’est quelque deux cent cinquante petits chefs-d’oeuvre qui ont survécu, grâce à leur style et leur acuité, à l’actualité qui les a fait naître. La réunion en un volume d’une partie d’entre eux leur offre un nouveau statut, celui d’un traité de philosophie où l’on apprend la fécondité du pessimisme: tout est perdu, l’honneur y compris, mais on aura bien rigolé. Au XVIIIe siècle, le Ronchon aurait été une sorte de pyrrhonien adepte du calembour.

Le Ronchon est un véritable aristocrate. Son point d’honneur est de n’être jamais d’accord avec la majorité. Non est son mot fétiche, affiché jusque sur son automobile, une austère berline teutonne. Mais le Ronchon est un faux misanthrope: il écrit non et dit toujours oui. Demandez- lui un service et vous verrez.

Si, depuis dix ans, vous avez patiemment découpé et collé ces merveilleuses petites proses dans un cahier pour en faire la collection, vous serez tenté de ne pas acquérir le dernier CRV. Tragique erreur: vous renonceriez à l’élégante reliure réalisée par M+S à Renens, à la typographie irréprochable due à Beck, artisan imprimeur à Lausanne; mais surtout, vous vous priveriez des excellents dessins qui illustrent chaque texte, confiés par l’auteur à un artiste qui signe modestement OLB. Encore un pseudonyme.

(Jean-Blaise Rochat, La Nation n° 1798 du 24.11.2006)