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La politique durant l’été

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1840 4 juillet 2008
En été, le monde n’arrête pas de tourner, mais il le fait «en tâche de fond», comme on dit en patois numérique. Pour deux mois, c’est en douceur que l’unification (et la décomposition) des choses se poursuivra. Les délais référendaires continueront de mordiller les pieds nus des baigneurs, et l’ambition électorale de répandre ses vapeurs délétères dans les cerveaux déconnectés des politiciens.

Indépendants en proie à l’Europe

Pour combler les lacunes du rapport du Conseil fédéral sur les professions libérales en Suisse, l’Union suisse des professions libérales (USPL) a réalisé, en collaboration avec l’Institut suisse de droit comparé de Lausanne, une étude sur les difficultés que connaissent certains indépendants suisses dans les pays de l’Union européenne, difficultés épargnées aux professionnels étrangers travaillant en Suisse.

C’est le cas notamment des médecins, en matière de formation postgrade, des architectes, sous forme d’entraves administratives en matière de TVA et de responsabilité civile professionnelle, ainsi que des gérants de fortune.

Le rapport distingue les pratiques discriminatoires, qui reposent sur des exigences non conformes aux accords de libre circulation, et les entraves techniques, qui découlent plutôt de la mauvaise volonté et de la mauvaise organisation des etats partenaires. en fait, il va sans dire que les entraves techniques ne sont qu’une sous-catégorie de la discrimination.

Il y a deux ou trois ans, quelques lignes de La Nation faisaient écho aux tribulations d’un maître ramoneur tessinois qui avait tenté d’exercer son art en Italie et que les gabelous avaient promené, dans les deux sens du terme, le long de la frontière jusqu’à ce qu’il comprenne et rentre chez lui.

On nous répondra que ce sont des détails qui vont se régler à l’usage. C’est peut-être vrai… et peut-être pas. On nous dira encore, tant il est vrai que les sacrifices des autres sont toujours indolores, qu’on ne signe jamais un traité sans consentir quelques sacrifices. Bon, mais de là à ne pas réagir du tout, il y a un pas. en soi, et aussi en vue d’éventuelles négociations futures, nos autorités ne devraient pas tolérer que des etats voisins et volontiers moralisateurs méprisent leurs engagements envers nous. Pourquoi ne dénoncent-elles pas ces agissements et n’exigent-elles pas des correctifs immédiats?

Leur discrétion vise sans doute à ne pas fournir de nouvelles armes à l’UDC. Mais en quoi ce souci électoral importe-t-il aux indépendants ainsi désavantagés?

Encore la fumette

Il n’y a pas de votations fédérales prévues pour septembre. Le 30 novembre, nous voterons sur l’initiative «Pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse». Ce type de formulation à double direction engendre immédiatement le soupçon.

L’initiative vise à légaliser la consommation, la possession, l’acquisition et la production pour son usage personnel des substances psychoactives du chanvre (cannabis). elle prévoit de réglementer sur le plan fédéral la culture, la production, l’importation, l’exportation et le commerce des mêmes substances. elle prescrit des mesures de «protection de la jeunesse». elle interdit la publicité pour ces substances.

Le Conseil fédéral recommande de rejeter cette initiative, non que, sur l’essentiel, il s’oppose aux initiants, mais parce qu’il veut traiter le cannabis dans le cadre général de «la politique des dépendances».

Toutes les votations sur la politique de la drogue (car il y en aura encore beaucoup) doivent être comprises comme des batailles dans un affrontement fondamental où aucun accord n’est possible. L’initiative est en elle même déjà plus que problématique. Mais elle est aussi pensée comme une étape vers la libéralisation complète.

Les opposants jouent eux aussi leur jeu: au moment où nous écrivons, le référendum contre la nouvelle loi fédérale sur les stupéfiants a récolté 49000 signatures. Il en faut 50000 (plus quelques milliers pour compenser les signatures invalides), qui doivent être remises au Palais fédéral avant le 10 juillet. C’est le tout dernier moment pour les expédier, si l’on tient compte des délais pour la validation par les communes.

Communes en fusion

La FAO du 10 juin dernier annonce la décision de l’etat de renforcer son appui aux fusions de communes. Une septantaine de communes examinent des projets de fusion.

Nous répétons à nos lecteurs que si nous sommes opposés par principe à toute fusion de cantons, il n’en va pas de même des communes. Une fusion de communes peut être judicieuse ou absurde, c’est à juger au cas par cas. Si une commune ne trouve durablement plus de personnel politique, ou plus d’argent, si elle n’est plus qu’un village fantôme de pendulaires, si elle a un intérêt à long terme et reconnu par la population à fusionner, s’il n’y a de surcroît pas de contre-indication majeure, cette commune peut, je dirais même qu’elle doit engager des pourparlers de fusion. en revanche, ces invitations claironnantes et approximatives aux communes d’une région à fusionner «pour faire front contre l’etat» débouchent presque inévitablement sur un échec. Nous avons quelque peine à comprendre l’obsession de l’etat à généraliser le mouvement, et à le précipiter.

Il faut en tout cas souhaiter que l’administration, ou l’un ou l’autre parti, ne tirera pas argument des échecs de certains projets de fusion pour essayer de les imposer par la force.

Le pognon de l’opinion

La commission des institutions politiques du Conseil des etats a rendu public un projet de loi autorisant la déduction fiscale des dons faits aux partis. Faut-il le dire? les partis soutiennent tous ce projet! Ils ont pour l’occasion retrouvé le sens de l’union sacrée, des rendezvous historiques, de la fraternité qui unit les ennemis irréductibles pour le salut de la chose publique! De la gauche à la droite, ils ne se disputent que sur un seul point: le montant maximum qui sera déductible. Le PS propose 5000 francs, les radicaux 10000, le PDC et l’UDC 20000.

Le motif de ces subventions est toujours le même, l’apport indispensable des partis d’opinion à la formation civique des citoyens: ils nous font accéder à la réflexion, il est juste de les rémunérer. Mais que les abonnés à La Nation et nos donateurs occasionnels ne s’imaginent pas des choses! Un groupe politique ne peut bénéficier des largesses de la Confédération que s’il est inscrit au registre des partis. Il doit aussi être représenté dans un parlement cantonal, ou au moins avoir recueilli 3% des voix aux dernières élections législatives cantonales. Comme nos lecteurs le savent, ce n’est pas notre cas.

Quatre cantons sont opposés à ce «cadeau fiscal»: Appenzell Rhodes Intérieures, Obwald, Neuchâtel et Vaud. Honneur à eux! Neuchâtel a rappelé trois principes: la neutralité fiscale, l’égalité devant la loi et la souveraineté des cantons. Trois références essentielles, mais apparemment dépourvues d’intérêt pour les factions partisanes qui prétendent nous former au souci du bien commun. Qu’en dirait le peuple?… On peut y penser pendant l’été.

Champagne pour Freysinger!

Le conseiller national Oskar Freysinger a déposé une interpellation intitulée «Champagne, un village suisse spolié: protection de nos AOC et de nos homonymies communales». Il a reçu le soutien de septante parlementaires de tous les partis, y compris des verts et des socialistes. On attend la réponse du Conseil fédéral.

Nous lui en sommes sincèrement reconnaissants, même si nous eussions préféré que l’initiative provînt de l’ensemble des parlementaires fédéraux vaudois. Unis pour demander des avantages fiscaux, ils auraient pu l’être aussi pour soutenir les premiers la commune aux trois champignons d’or sur champ d’azur.

24 heures du 1er juillet nous apprend que l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle vient d’enregistrer la marque «De Champagne Suisse». De l’avis des intéressés, l’intervention du conseiller national valaisan a joué un rôle important dans cette décision. Ainsi se vérifie cette vérité de toujours que s’ils veulent avancer, les wagons cantonaux et professionnels doivent pousser eux-mêmes la locomotive fédérale.

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Au sommaire de cette même édition de La Nation:
  • Voix d’hommes à la Vallée de Joux – Frédéric Monnier
  • Un seuil important pour le Conservatoire de Lausanne – Jean-Jacques Rapin
  • On nous écrit: Les loteries aux cantons, mais pas les machines à sous! – On nous écrit, André Durussel-Pochon
  • Irlande: les mauvais perdants – Revue de presse, Bernard Stalder
  • Europe – Revue de presse, Philippe Ramelet
  • Football et police fédérale – Pierre-Gabriel Bieri
  • Saint François de Sales (1567-1622) – Jean-Blaise Rochat
  • Quand le Centre Patronal donne dans le décolletage – Daniel Laufer
  • Des chardonnays vaudois brillants – Frédéric Monnier
  • Pour davantage de Rambos dans l’armée – Le Coin du Ronchon