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Les filières scolaires, mécanismes et engrenages

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1890 4 juin 2010
Aujourd’hui, les élèves vaudois sont ensemble jusqu’à la fin de la sixième année. Après quoi, on les répartit en trois filières. Le projet de Mme Lyon, qui est au fond un «EVM bis», veut supprimer les filières et prolonger l’école unique jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire. L’initiative «Ecole 2010», elle, conserve sur ce point la structure actuelle, tout en lui donnant une orientation différente.

Chercher, comme les réformateurs s’obstinent à le faire, la structure la meilleure en valeur absolue n’a pas beaucoup de sens. Il existe dans le monde des exemples d’organisations scolaires extrêmement différentes et néanmoins efficaces les unes et les autres.

Cela ne signifie pas que la forme des structures de l’Ecole vaudoise soit indifférente. Mais ce qui importe avant tout, ce sont les critères qui fondent ces structures et dirigent leur évolution: tant valent ces critères, tant valent les structures. Les structures traditionnelles étaient conçues en fonction de l’avenir professionnel des élèves. Elles évoluaient au rythme des changements sociaux et techniques. C’est d’ailleurs dans cette perspective d’un lien étroit entre la formation scolaire et la société réelle qu’«Ecole 2010» prévoit de réorienter les structures actuelles, en particulier la voie secondaire à option (VSO).

A l’opposé, les réformateurs de l’Ecole vaudoise veulent structurer l’école en fonction non de la société vaudoise, mais en fonction d’une idée fixe: la promotion à tout prix de l’égalité. Leur position se résume en trois points. Le premier est que les études représentent le point culminant de l’éducation humaine. Le deuxième est qu’il n’y a pas de mauvais élèves, mais seulement des enfants défavorisés par des conditions sociales insuffisantes et des méthodes pédagogiques inadéquates. Enfin, sachant que l’entrée dans une filière qui ne conduit pas au baccalauréat ôte à l’élève toute chance d’accéder à l’empyrée universitaire, il convient de retarder cette entrée le plus longtemps possible. L’idéal serait même de supprimer les filières au profit d’un tronc commun. Avec EVM bis, ce but idéal est explicitement assumé.

C’est ainsi que l’engrenage égalitaire conduit mécaniquement à la filière unique.

Que la filière unique ne fasse que masquer des inégalités irréductibles durant trois années supplémentaires, c’est une évidence dont les réformateurs n’ont cure: périsse l’Ecole vaudoise plutôt que leur philosophie!

La suite est entièrement prévisible: dans moins de dix ans, on nous proposera d’étendre l’école obligatoire – et unique – jusqu’à dix-neuf ans. A moins qu’«Ecole 2010»…

Le vote sur l’initiative et le contreprojet, le 13 février 2011, permettra aux Vaudois de choisir entre une organisation scolaire qui branche les élèves sur la vie réelle et l’illusion égalitaire qui ne cesse de les en éloigner.

Dans la perspective de cette empoignade, certains politiques sont tentés par une solution intermédiaire qui consisterait à conserver le principe de la répartition dès la septième année, mais en deux filières et non plus trois.

Sur quels motifs repose cette proposition, qui a notamment fait l’objet d’un postulat Marcel-David Yersin et consorts au Grand Conseil? L’argument principal est que la réputation de la voie secondaire à options (VSO) est tellement mauvaise qu’elle nuit aux élèves qui en sortent. Il faut donc la supprimer. Autant casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre.

Changer l’étiquette ne change pas le contenu. Ce seront les mêmes élèves, les mêmes maîtres et, la mentalité et les buts d’EVM bis restant ceux d’EVM, les mêmes problèmes. Ces problèmes émigreront simplement de la VSO à la voie secondaire générale, ou quel que soit son futur nom, aggravés par le fait qu’ils concerneront non plus trente pour cent, mais cinquante pour cent de la population scolaire. C’est vraiment génial!

Du même coup, on perdra le bénéfice des efforts considérables consentis par les enseignants de la VSO pour conserver une certaine personnalité à cette voie et conduire leurs élèves le plus loin possible sur cette route semée d’embûches.

Les élèves moyens, qui sont les plus nombreux, bringuebaleront entre les deux voies jusqu’au tri de fin de sixième année. Leur incertitude quant à leur avenir scolaire sera d’autant plus stressante que l’espoir de se raccrocher à une voie moyenne n’existera plus. Cette situation engendrera, entre les parents et l’institution scolaire, des affrontements plus nombreux encore, et plus violents, que ceux qui les opposent aujourd’hui.

Enfin, le bon système, c’est celui qui dure, celui que le temps permet de polir, d’émonder et de compléter. Le remaniement fondamental de structures que propose eVM bis nous promet une nouvelle série de ces désordres en cascade qui ruinent notre école depuis tant d’années.

Mme Lyon, dont le projet n’a pas soulevé l’enthousiasme, est en train, paraît-il, d’envisager une conversion au système des deux filières. On a le sentiment que, pour le Département, peu importe la forme du contreprojet, pourvu qu’il fasse obstacle à «Ecole 2010». De toute façon, pour les réformateurs, dont Mme Lyon est le canal politique provisoire, les deux voies ne signifieraient pas un changement de cap, juste une étape intermédiaire sur le chemin de la voie unique. Ils sont habitués à voir à long terme. Sachant que le système à deux filières, dans les circonstances actuelles, sera immédiatement et durablement invivable, ils peuvent espérer que dans cinq ans, tout le monde sera ouvert à la filière unique.

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