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Presbytéro-synodale!

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2100 6 juillet 2018

La démission surprise, avec effet immédiat et accompagnée de lourdes révélations, du conseiller synodal John Christin a pris par surprise la présidente du Synode et laissé celui-ci sans voix. Pas une des personnes présentes ne s’est levée pour dire que cette affaire posait la question de la légitimité de l’équipe actuelle du Conseil synodal, et celle de sa reconduite.

Il ne faudrait pas, pour autant, commettre l’erreur d’attribuer tous les soucis que connaît l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud (ci-après, l’Eglise) aux relations difficiles que l’autoritaire président du Conseil synodal entretient avec ses semblables. Ces conflits doivent être abordés dans la perspective générale d’un rejet toujours plus explicite, dans les paroisses et les régions, de l’évolution récente de l’Eglise.

Quand, il y a un peu plus de vingt ans, l’État annonça sa volonté de réduire de 9% sa contribution financière à l’Eglise, les responsables d’alors ne voulurent pas se contenter de réduire les dépenses périphériques et d’apporter aide et conseil aux paroisses qui en avaient besoin. Ils décidèrent de remodeler l’institution de la cave au grenier.

Leur idée maîtresse était d’affronter la modernité sur son terrain, avec son langage, ses présupposés laïques et ses méthodes de gestion. On prévoyait de substituer au témoignage par trop discret du culte dominical des manifestations et des événements spectaculaires rassemblant les foules et suscitant les échos admiratifs de la grande presse. La territorialité des paroisses fut condamnée comme génératrice d’un gaspillage ministériel insensé. On décida de mieux utiliser les compétences particulières des pasteurs en privilégiant les ministères spécialisés au détriment des ministères paroissiaux. En quatre mots, moins de contemplation, plus d’action, moins de prédications et plus de communication.

L’Eglise devenait une entreprise et ses pasteurs, des employés gérés par un office des «ressources humaines». L’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud s’intitulerait désormais EERV, acronyme terne et bégayant que La Nation s’engage à ne jamais utiliser.

Dans la conception originelle d’«Eglise à venir», les paroisses, privées de toute ressource autonome, privées aussi de leur personnalité juridique, n’étaient plus que les terminaux dociles de l’ordinateur cantonal.

Ce qu’on peut reprocher au Conseil synodal actuel, c’est d’avoir été obstinément fidèle à cette conception extrême. Récemment encore, il proposait de diminuer le nombre des cultes du dimanche et de désaffecter un certain nombre d’églises. Ainsi débarrassée de ses encombrantes racines, notre Eglise hors-sol pourrait enfin se plonger dans la «société liquide», pour reprendre le terme de Zygmunt Bauman, ce sociologue dont le Conseil synodal s’est bizarrement entiché.

A l’époque, les responsables d’«Eglise à venir» minimisaient les craintes des pasteurs et des paroisses. Il est normal, concédaient-ils, qu’un changement aussi important provoque des résistances; toutefois, vos réserves, qui dévoilent votre refus d’aborder les problèmes de notre époque, sont infondées; elles se dissiperont dès que le nouveau régime sera installé; et soyez tranquilles, il y aura une évaluation dans six ans.

Dix-huit ans plus tard, on attend encore l’évaluation, les craintes n’ont pas disparu, les résistances non plus. Et c’est compréhensible, car on a l’impression d’être toujours au commencement du «processus», avec toutes les bousculades, incompréhensions et incertitudes que cela comporte. La mise en place définitive d’«Eglise à venir» est continuellement relancée, dans l’urgence, bien entendu, et le discours officiel continue de dénoncer et de promettre exactement ce qu’il dénonçait et promettait à l’époque. Autrement dit, le passage est encore à faire. Disons carrément que, selon toute vraisemblance, «Eglise à venir» restera «à venir» à perpétuité. Restructurata et semper restructuranda. Voilà pourquoi, à la place de faire un bilan honnête et, donc, consternant, on fonce aveuglément en direction de nulle part.

Dans l’esprit et la pratique des fidèles, l’Eglise continue d’être presbytéro-synodale, c’est-à-dire fondée sur un équilibre entre les paroisses et l’autorité centrale. Et de fait, l’essentiel de la vie de la foi – cultes et sainte cène, baptêmes, confirmations, mariages, fêtes religieuses, études bibliques – continue de se passer principalement dans la paroisse, parfois dans la région. Et c’est aussi dans le cadre paroissial qu’on peut organiser une solidarité concrète avec telle famille qui traverse des temps difficiles, qu’on trouve facilement des dévouements bénévoles, qu’on organise des rencontres avec les paroisses voisines, avec les assemblées évangéliques et les paroisses catholiques, qu’on établit des contacts avec ceux qui sont extérieurs à l’Eglise.

Mais c’est une Eglise presbytéro-synodale contrariée et affaiblie, parce que, dans le même temps, la centralisation déséquilibre l’institution et la transforme en une mécanique lointaine, interventionniste et coûteuse. A la limite, la vie réelle de l’Eglise finira par se déployer en marge de ses structures institutionnelles, au risque inverse de tomber dans le congrégationalisme, avec toutes les dérives sectaires que cela peut engendrer.

Le refus du «Rapport sur les dotations», au synode de mars dernier, signifiait un refus de cette évolution suicidaire. Et c’est dans le même esprit que les opposants à ce Rapport ont présenté deux motions sœurs au synode de juin… et qu’elles ont été acceptées.

La première, intitulée «Pour une consultation des paroisses et des régions dans le rapport sur les dotations», demande qu’une enquête systématique soit conduite auprès des paroisses et des régions concernant les changements qu’elles subissent. Elle demande aussi que le nouveau rapport sur les dotations soit établi à partir des réponses recueillies. La seconde motion, «Pour un rapport participatif et fédérateur sur les dotations», demande que les membres de la commission chargée de rédiger ledit rapport soient pour une part désignés par le Conseil synodal et, pour une autre, élus par le Synode et qu’ils représentent les divers milieux de notre Eglise.

Ces deux motions visent à remettre de l’ordre et de la clarté dans la politique de l’Eglise. Peut-on espérer que le Conseil synodal y verra davantage que des obstacles à contourner?

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