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L’idéalisme politique et ses méfaits

Ernest JominiRevue de presse
La Nation n° 1914 6 mai 2011
Comment se débarrasser de Kadhafi? A défaut d’une bombe bien ajustée, comme tout serait plus simple s’il acceptait de se retirer quelque part avec toute sa clique! Mais où donc aller? Dans La Liberté du 19 avril («Les pays d’exil avaient du bon»), M. Pascal Bertschy tient ces propos non-conformistes:

Les Etats occidentaux veulent tellement répandre le Bien sur terre que, du coup, ils se croient dispensés d’être malins. Ou d’avoir un peu de bon sens. Ainsi, le week-end dernier, on a pu lire que le gouvernement américain se donnait en ce moment un mal de chien pour trouver un pays susceptible d’accueillir chez lui Kadhafi et sa famille. Vrai cassetête! Et preuve qu’en éradiquant les pays d’exil, la communauté internationale a commis une sottise dont elle se mord déjà les doigts.

A l’ONU comme dans les chancelleries, on aurait dû réfléchir avant de déclarer le dictateur libyen et ses fils indésirables partout à la surface du globe. […]

Ne pas s’étonner après, de voir tel tyran se défendre avec la férocité d’un fauve. Faute de pouvoir fuir quelque part avec femmes, enfants et valises pleines de billets, il n’a pas d’autre option que de faire tirer sur son peuple. […]

Au siècle dernier, quand la realpolitik était de rigueur, c’était plus commode. Avec elle, il ne s’agissait pas de monter triomphalement le grand escalier de l’humanisme. ça se jouait à l’échelle humaine et dans un monde très imparfait, où divers pays étaient disposés à accueillir les dictateurs en passe d’être déchus. […]

On a de cette manière trouvé des issues pacifiques à bien des conflits, on a écourté nombre de guerres civiles et, de fait, épargné beaucoup de vies. La justice, hélas, n’y trouvait pas son compte. Un autocrate finissant ses jours au soleil, sans avoir eu à répondre de ses crimes, si ce n’était pas révoltant! Le monde tournait pourtant ainsi. Autour de l’idée que la politique n’était ni juste, ni injuste. Elle était seulement, au gré des événements, bienfaisante ou néfaste.

A ce sujet, du reste, le dernier grand homme du XXe siècle s’était fait chicaner. Se souvenir de l’engueulade internationale prise par Nelson Mandela en 1999, à la fin de son mandat, quand le président sudafricain se proposa d’accorder l’asile à Slobodan Milosevic… […]

Acculé, Kadhafi n’a pas d’autre choix que de résister. Quant aux gens de l’OTAN, ils seront peut-être contraints, s’ils ne veulent pas perdre la face, de débarquer un jour en Lybie. Et s’ils sont logiques, d’aller entreprendre la même opération en Syrie, ou ailleurs, avec la bénédiction de l’ONU.

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