Aménagement du territoire et plan directeur cantonal: et les communes?
Le premier plan de 1987 était souvent considéré comme un exercice de style exigé par la législation fédérale mais qu’on avait tendance à oublier au fond d’un tiroir. Tel ne semble plus être le cas depuis 2008.
A quoi sert le PDCn?
L’aménagement du territoire est affaire communale. Chaque commune établit son plan de zones (plan général d’affectation, plan partiel, plan de quartier, etc.) qui définit le sort de chaque parcelle et indique, dans un règlement lié au plan, quelles sont les règles qu’il faut respecter pour obtenir un permis de construire. Le plan d’affectation, proposé par la Municipalité, est soumis à l’enquête publique et approuvé par le Conseil communal ou général. Il est ensuite ratifié par le Département cantonal de l’économie, actuellement en charge de l’aménagement du territoire. Les opposants à une telle planification ont la possibilité, si leur intervention est rejetée, de déposer un recours auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal.
Mais avant de pouvoir soumettre un plan d’affectation à l’enquête publique, la Municipalité doit présenter son projet à l’examen préalable du Service cantonal du développement territorial (SDT). C’est là que le PDCn déploie tous ses effets.
Le plan directeur n’a pas d’effet contraignant pour les particuliers. Il n’impose aucune contrainte directe aux propriétaires. En revanche, il a un effet obligatoire pour les autorités, qu’elles soient cantonales ou communales. Dès lors, pour réussir son examen de passage devant le SDT, le plan d’affectation communal doit respecter toutes les règles, souvent fort contraignantes, du PDCn. Si tel n’est pas le cas, la copie est renvoyée à l’expéditeur, à charge pour lui de remettre l’ouvrage sur le métier afin que le nouveau plan soit recalibré.
Le nouveau PDCn contient deux «mesures» qui exigent précisément le recalibrage des zones à bâtir communales.
La mesure A11 a trait à la légalisation des zones à bâtir. On se borne à en citer ici quelques extraits pertinents: «[…] les communes justifient le dimensionnement de la zone à bâtir par des critères quantitatifs et qualitatifs […] les communes effectuent l’analyse des besoins et des demandes réelles en zone à bâtir pour les 15 prochaines années. Cette analyse est fondée sur une évaluation multicritères. Le Canton recommande un ensemble non exhaustif de critères à l’attention des communes. Sur la base de cette analyse, les communes définissent les objectifs d’accueil des nouveaux habitants. Le Canton vérifie qu’en-dehors des centres, le taux de croissance estimé par la commune pour les 15 années suivant l’entrée en vigueur du plan directeur cantonal ne dépasse pas le taux cantonal des 15 années précédant son entrée en vigueur. Une marge d’appréciation est définie […] Les communes évaluent la capacité résiduelle des zones à bâtir et le potentiel hors zone à bâtir, ainsi que les besoins supplémentaires en nouvelles zones à bâtir. Elles établissent également un programme d’équipement comprenant notamment la desserte en transports publics. Pour permettre à terme une densification des nouvelles zones à bâtir de faible densité, la valeur de la densité de ces nouvelles zones à bâtir ne peut pas être inférieure à un coefficient d’utilisation du sol (CUS) de 0,4 […]» Ce dernier point signifie qu’il faut pouvoir construire au moins 400 m2 de plancher habitable sur une surface de 1’000 m2 de terrain.
La mesure A12 concerne les zones à bâtir manifestement surdimensionnées. Là aussi, on se contentera de quelques citations: «[…] le Canton incite les communes dont les réserves dépassent au moins deux fois les besoins pour les 15 années suivant l’entrée en vigueur du plan directeur cantonal à réviser leur Plan général d’affectation (PGA). La définition des besoins se fait au sens de la […] mesure A11. Les autorités initient les éventuelles démarches foncières appropriées, notamment la péréquation, en adaptant le dimensionnement de leurs zones à bâtir aux besoins prévisibles et à leur capacité de financement des équipements correspondants. Le redimensionnement des zones à bâtir s’effectue […] par le déclassement des terrains menacés par des dangers ou exposés à des nuisances graves […] par le déclassement des terrains réservés à d’autres usages […] par le déclassement des terrains non équipés, non construits depuis plus de 15 ans, qui ne font pas l’objet d’un projet à court terme, situés loin des dessertes en transports publics, situés loin des centres bâtis […] les communes disposent de dix ans pour mener cette procédure, sauf celles qui ont révisé leur plan général d’affectation sur la base des lignes directrices 2002, qui disposent d’un délai de 15 ans […]».
Il faut bien admettre que ces mesures, telles qu’elles sont ici résumées, doivent plonger nombre de municipalités dans la perplexité. Pour faciliter leur tâche, le SDT a élaboré un guide d’application de ces mesures en mettant en oeuvre la Commission consultative d’application du plan directeur cantonal qui est, selon le PDCn, une «plateforme d’échanges entre l’Etat et les communes pour toutes les questions que peut poser l’application du plan directeur». Cette commission est composée de représentants du Canton, des communes et des associations professionnelles. Elle détermine notamment les critères d’évaluation des zones à bâtir et collabore à la rédaction, avec le Département en charge de l’aménagement du territoire, du guide d’application des mesures A11 et A12 intitulé «Dimensionnement de la zone à bâtir». Cette directive a été validée par le Conseil d’Etat le 26 janvier 2011.
A l’heure actuelle, la Commission consultative est composée, sans les suppléants, de deux représentants de l’Union des communes vaudoises, d’un représentant de l’Association de communes vaudoises, de deux représentants de la Fédération suisse des urbanistes, d’un représentant de l’Association transports et environnement, d’un représentant de la Chambre vaudoise immobilière et de trois représentants du Service du développement territorial.
Le guide d’application est fort détaillé et les communes sont d’emblée averties: «La Commission consultative d’application du Plan directeur cantonal recommande vivement aux communes d’effectuer ce réexamen et de le soumettre à un examen préalable avant de lancer l’étude d’un plan d’affectation. En effet, aucun projet de développement ne saurait être autorisé par l’Etat s’il n’est pas conforme aux mesures A11 et A12 du Plan directeur cantonal: il est donc inutile de faire les frais d’études approfondies si ce préalable n’est pas satisfait.» Les communes constatent aujourd’hui, mais un peu tard, que le PDCn est un outil d’aménagement du territoire que le Canton a maintenant décidé de mettre en oeuvre.
Le SDT guide les municipalités et leurs mandataires, les urbanistes, en les prenant par la main pour «déterminer le périmètre du centre», pour les communes qui en ont un, «définir les besoins selon la croissance démographique programmée», «évaluer la capacité de développement résidentiel», «faire le bilan du réexamen de la zone à bâtir» et, éventuellement, «légaliser de nouvelles zones à bâtir» ou alors «déclasser une parcelle» si les zones à bâtir sont manifestement surdimensionnées. Des outils informatiques (tableau Excel) sont proposés. A cet égard, le «formulaire 3» intitulé «Bilan du dimensionnement de la zone à bâtir» donne une idée de la latitude laissée aux communes. Sur dix-sept cases à compléter, il y en a cinq qui sont des données fournies par le SDT, dix qui sont «calculées automatiquement sur la feuille Excel», et deux qui sont des données à compléter par la commune, soit la population programmée en 2023 dans le centre et hors du centre. Cependant, pour cette dernière case, le tableau invite à vérifier la conformité du chiffre donné par la Municipalité avec le chiffre calculé automatiquement par le tableau Excel sur la base des données du SDT.
Pour le cas où la zone à bâtir devrait être réduite, soit lorsqu’il y a obligation de déclasser des parcelles, les communes disposent d’un second guide intitulé «Cadre juridique fédéral pour le réexamen du dimensionnement de la zone à bâtir». Le SDT y explique ce qu’est la zone à bâtir au sens de l’art. 15 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, avec indication de ce qu’il y a lieu de faire en cas de risque de devoir verser une indemnité pour expropriation matérielle.
Les mesures très contraignantes adoptées par le Grand Conseil dans le Plan directeur cantonal lient les communes. La marge de manoeuvre des municipalités a été pratiquement supprimée. Elles ne peuvent plus opérer de choix politique quant à leur développement.
L’aménagement du territoire communal est maintenant affaire cantonale.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- La croissance, une question de rythme – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Nivellement – Revue de presse, Philippe Ramelet
- L’idéalisme politique et ses méfaits – Revue de presse, Ernest Jomini
- La communauté perdue – Jacques Perrin
- Ecole vaudoise: Le système le meilleur – Cosette Benoit
- «Une armée de mauviettes» - Un exemple de malhonnêteté journalistique – Félicien Monnier
- On nous écrit: Lavaux, vote populaire et cascade – On nous écrit, Bertil Galland
- Parti dans les décors - Du Très Grand au très petit – Le Coin du Ronchon