Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

La démographie vaudoise en questions (I)

Jean-François Cavin
La Nation n° 1919 15 juillet 2011
Un million d’habitants! C’est l’effectif de la population vaudoise que les démographes prévoient pour l’an 2040, en nombre arrondi. Plus exactement, l’Office fédéral de la statistique envisage que le million soit atteint en 2035 déjà; le Service cantonal de recherche et d’information statistiques (SCRIS) prévoit 987 900 habitants en 2040. On en dénombrait 708000 à fin 2010.

Cette annonce faite à fin mars crée un choc. Pour bien des Vaudois nés au milieu du siècle passé, le Canton comptait environ un demi-million habitants, et c’est en effet approximativement à ce niveau que sa population est restée jusque dans les années 1980. Et maintenant, il faut changer d’échelle en doublant l’ordre de grandeur, ce qui pose un certain nombre de questions importantes. Nous allons les mentionner dans deux articles successifs, sans nourrir l’ambition d’y répondre de façon circonstanciée et définitive, mais plutôt pour tenter de prendre la mesure des défis qu’il s’agira de relever.

Des prévisions fiables?

La première question est de savoir si l’évolution annoncée est une hallucination de technocrates ou si l’on doit la tenir pour probable.

Les démographes du SCRIS estiment que la croissance résultera pour une petite moitié de l’augmentation de la population résidente, la natalité l’emportant sur la mortalité, et pour une grosse moitié de l’immigration, avec un solde migratoire positif.

Pour l’évolution de la population résidente, les bases de la prévision sont assez sûres. Ce sont principalement:

  • les chiffres actuels ventilés en classes d’âge, ce qui permet de mesurer les vagues démographiques avec les fortes et les faibles volées. Ceux qui procréeront en 2030 sont nés, ceux qui procréeront en 2040 aussi pour la plupart;
  • le taux de fécondité, dont l’expérience montre qu’il ne change pas rapidement; le SCRIS postule un léger redressement à 1,7 par femme, ce qui, dans l’absolu, ne suffit pas au maintien de l’espèce; mais l’apport de l’immigration nous vaut l’arrivée de personnes en âge de fonder une famille;
  • l’espérance de vie, dont on prévoit qu’elle continue de s’accroître, mais plus lentement.

Pour le solde migratoire positif (qui inclut les mouvements avec les autres cantons comme avec l’étranger), la prévision est beaucoup plus aléatoire, car tout dépend de la situation économique. Ce solde était faible dans les années 1970 et au milieu des années 1990, périodes de crise ou de stagnation conjoncturelle. Mais, en quarante ans, il a presque toujours été positif, le plus souvent à raison de quelque 4000 âmes, avec une pointe à 10000. Pour l’avenir, les démographes n’ont pas retenu des chiffres maximaux: environ 3500 à 4000, ce qui postule un attrait inchangé du Canton et une économie en bon état, mais sans surchauffe exceptionnelle.

L’analyse du problème faite par les spécialistes est complexe et fine, encore davantage que selon le résumé sommaire présenté ci-dessus si l’on entre dans les prévisions par régions. Elle est opérée de manière réaliste et ses résultats doivent être considérés comme plausibles; il convient en tous cas, politiquement, de se préparer à cette évolution.

Refuser la croissance?

A moins qu’on veuille la refuser! C’est la tendance des Verts-libéraux, peut-être des Verts tout court, du mouvement EcoPop, peut-être d’une partie de l’UDC, avec des relents de malthusianisme plus ou moins prononcés selon les tendances, mais peut-être aussi avec la crainte compréhensible a priori d’une enflure incontrôlée.

Remarquons d’emblée que, si le souci d’éviter une évolution par trop brutale est justifié, nous avons déjà vécu une croissance démographique au rythme attendu de 40% en 30 ans pour 2010-2040. C’était aussi 40% dans la période 1980- 2010, et nous avons survécu.

A supposer toutefois que l’on cherche à contrecarrer cette tendance, comment s’y prendre pour juguler la croissance? En l’asphyxiant par la limitation de l’immigration, à la façon d’EcoPop ou de l’UDC, par la réintroduction de contingents? Cet instrument, outre qu’il nous mettrait mal avec l’Union européenne, est d’une application difficile, souvent génératrice d’injustices et non dépourvue d’une certaine dose de dirigisme, puisque l’administration choisit les secteurs économiques et les entreprises autorisées à recruter à l’étranger. En renonçant à la promotion économique? Mais c’est un dispositif complexe qui porte ses fruits dans la durée et qu’on ne peut pas simplement mettre en sommeil quelque temps sans le détruire; et il serait imprudent de ne pas renouveler les forces économiques, car les entreprises meurent.

Le moyen le plus efficace serait probablement de raréfier l’habitat, un peu à la manière de Genève dont la passivité urbanistique a provoqué le débordement en France voisine et dans le district de Nyon. En gelant les possibilités de construire, le Canton de Vaud contribuerait au développement de ses voisins de Fribourg et du Valais, ainsi que du Pays de Gex. Mais une telle politique génèrerait des déséquilibres, allongerait les transports et, pour tout dire, ne serait pas digne d’un grand Canton qui dispose de place.

Quelle population?

Toutes les mesures de type défensif que l’on peut envisager reposent sur le sentiment que la vague démographique attendue est une menace – pour l’identité vaudoise, pour la nature, pour le confort des résidants de plus longue date. Mais quel serait donc le caractère de ce Canton d’un million d’âmes?

Hé bien! ce serait un Canton jeune et fort.

La pyramide des âges, comme on dit, n’en serait pas vraiment une, mais présenterait plutôt la forme d’un bel édifice régulier, les jeunes volées étant renforcées par l’immigration. Le tonus de la population serait marqué par le dynamisme des immigrés – car ils viennent pour travailler – assez courageux pour quitter leur pays afin de mieux vivre. Les compétences professionnelles seraient celles d’une population formée au secondaire supérieur (apprentissage compris) pour les deux tiers, au tertiaire (hautes écoles) pour un tiers. Le mélange des nationalités, où la part des étrangers (actuellement 30%, dont une majorité d’établis) s’accroîtrait encore si le nombre des naturalisations n’augmente pas drastiquement, ne serait pas plus bigarré qu’aujourd’hui. L’afflux actuel est surtout dû aux Français et aux Portugais. Les Balkans de confession musulmane ont tout donné et il est douteux que de nouveaux Etats de cette zone rejoignent l’UE de sitôt.

Ce tableau indique qu’il ne faut pas s’attendre à une évolution qualitative prononcée. Un effort soutenu d’intégration n’en sera pas moins nécessaire.

Nous verrons dans un prochain article ce que l’accroissement prévisible de la population implique quant au logement, à l’équipement et au dispositif politique.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: