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Conférence des Cantons: mais que fait la Confédération?

Félicien Monnier
La Nation n° 1978 18 octobre 2013

Depuis 1848, les compétences fédérales n’ont fait qu’augmenter. Celles des cantons en ont diminué d’autant. Dans un récent article de 24 heures1, M. Peter Hänni, directeur de l’Institut du fédéralisme à Fribourg, l’affirmait également.

Il y a vingt ans, les cantons suisses se réunissaient au sein de la Conférence des cantons (CDC). Par ce moyen, les cantons ont cherché à donner un meilleur écho à leur point de vue auprès de la Confédération. En gros, la CDC est le lobby cantonal auprès de la Berne fédérale. Les cantons tentent par là d’enrayer la logique centralisatrice. Selon M. Hänni, ils n’y sont pas vraiment parvenus. La pente idéologique est forte. La CDC peut toutefois mettre de belles victoires à son crédit. En 2004, elle a remporté le combat contre le fameux «Paquet fiscal». Elle est particulièrement attentive aux questions financières. Cela est assez compréhensible, la compétence fiscale est la dernière prérogative politique vraiment large dont disposent les cantons.

La CDC porte une attention importante aux questions de politique étrangère. Ainsi, et sous la présidence du Vaudois Pascal Broulis, elle a récemment pris position sur le mandat de négociation des bilatérales de la Confédération auprès de l’UE.

Qu’une telle voix se fasse entendre est heureux. Certains éléments méritent néanmoins d’être relevés. La CDC réunit tous les cantons suisses. Ses positions doivent donc prendre garde de ne pas elles-mêmes être adoptées d’un point de vue suisse, c’est-à-dire d’un point de vue territorialement et institutionnellement helvétique. Ces cantons s’expriment d’une seule voix, mais celle-ci doit faire entendre les intérêts de chacun. Car c’est cela la défense des souverainetés cantonales. Ce n’est pas la défense de la notion abstraite de «cantons suisses» face à la voracité de l’Etat fédéral. Les cantons les plus faibles au sein de la CDC ne doivent pas subir le sort qu’ils subissent déjà depuis longtemps au sein de la Confédération. Puisque la CDC défend les cantons, elle doit le faire de manière concrète, en osant affirmer qu’elle ne s’exprime jamais qu’au nom de chaque individualité politique cantonale. En fait, la CDC ne doit pas tomber dans les travers qu’elle reproche à la Confédération d’avoir empruntés.

C’est à ce propos que l’existence même bénéfique de la CDC est attristante. Si les cantons ont ressenti le besoin de se réunir pour se défendre, c’est que la Confédération ne fait plus son travail. Née des cantons, n’a-t-elle pas pour fonction première de défendre leurs intérêts, de protéger ce qu’ils sont, dans leurs réalités politiques propres? Elle ne le fait en réalité plus depuis ses premières années. Il semble que les craintes des vaincus du Sonderbund se soient réalisées. Le fait que la CDC prenne position en matière de politique internationale en est la preuve. La Confédération se représente elle-même, elle ne représente plus les cantons qui la composent et lui donnent son existence.

L’une des raisons de cette dérive est que, depuis 1848, on considère la Suisse comme étant – du moins partiellement – un Etat-nation unitaire. Certes, les modifications constitutionnelles exigent la majorité des cantons. Mais il ne s’agit que d’une majorité. Par définition, elle écarte l’avis de l’autre moitié des cantons, ce qui est fort critiquable du point de vue de leur souveraineté. De plus, l’expérience montre bien que la seule majorité du peuple suisse permet souvent d’éroder, déjà en amont, les compétences cantonales au travers de simples modifications législatives. Les tribulations centralisatrices de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire montrent cette tendance. Il en est de même de mille autres petits articles légaux ou réglementaires.

La cause d’un tel oubli par la Confédération de sa mission originelle réside également dans le fonctionnement de ses institutions parlementaires. Le Conseil des Etats a été historiquement conçu comme une chambre représentative des cantons. Son mode d’élection reproduit en effet l’idée de l’égalité en souveraineté de chacun des cantons, qui y ont droit à deux sièges. Elle s’est malheureusement très vite transformée en une chambre parlementaire comme une autre, devenant ainsi le lieu des compromissions électorales, de la violation des promesses partisanes. Les récentes courbettes de notre «Sénat» sur la Lex America et sur FATCA démontrent cette incurie de la souveraineté suisse et, par ricochet, des souverainetés cantonales.

Ce constat de centralisation et d’aliénation idéologique nous fait avancer deux propositions de réforme, parmi d’autres. Nous espérons qu’un petit groupe parlementaire entreprendra un jour d’identifier, dans la jungle législative suisse, toutes les règles centralisatrices anticonstitutionnelles, ou inutiles. Ce nettoyage allégerait l’ensemble du droit suisse et redonnerait aux cantons une substance politique qu’ils n’ont même pas accepté de perdre. La Ligue vaudoise se tient à disposition du parlementaire qui acceptera de se charger de cette mission.

Quant au sort du Conseil des Etats, nous proposons simplement de briser la logique électoraliste dont il est la victime. L’autorisation du vote sur instruction serait la bienvenue, en parallèle à une élection, voire une nomination des conseillers aux Etats par les autorités politiques cantonales. Nous aurions ainsi de vrais ambassadeurs. La Confédération ferait peut-être enfin son vrai travail, la défense et la protection des cantons comme Etats pleinement souverains. La CDC pourrait alors être dissoute, et nos ministres cantonaux faire confiance à la Berne fédérale.

Notes:

1 Mayencourt Judith, «La politique extérieure dans le viseur des Cantons», 24 heures, 4 octobre 2013.

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