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Eoliennes: le vent tourne

Jean-François Cavin
La Nation n° 1978 18 octobre 2013

La crise des Services industriels de Genève (SIG), dont le directeur a démissionné parce qu'il n'avait plus la confiance de son conseil d'administration, marque peut-être un tournant dans la politique énergétique, au chapitre des machines à vent. Car le cœur de l'affaire, c'est la cinquantaine de millions engagés par les SIG, depuis des années, dans la société Ennova, sise à Bienne et spécialisée dans l'électricité éolienne; or ces millions ont été dépensés sans que le moindre kilowatt ne soit produit jusqu'à maintenant. Ennova, en panne de liquidités, attend de nouveaux investisseurs, mais s'est heurté à plusieurs refus; un seul s'est manifesté positivement; c'est trop peu et Ennova voudrait obtenir encore de grosses sommes des SIG. Lesquels disent: halte!

Est-ce un épisode normal dans le développement d'une nouvelle technique? Un investissement initial sur lequel il n'y a pas encore de retour, mais qui appelle simplement de la patience du côté des bailleurs de fonds? Il ne semble pas. La technique n'est pas si nouvelle et les millions versés paraissent bel et bien consumés. On ne doit pas exclure que l'éolien apparaisse désormais comme une entreprise à risque. Sans doute la Confédération, via Swissgrid, s'engage-t-elle, grâce à la ponction de la RPC, à subventionner les producteurs en achetant leur courant trois ou quatre fois le prix du marché; cette générosité encourage quelques capitalistes à se muer en sangsues des fonds publics. Encore faut-il que les pales tournent assez souvent et assez vite pour que le seuil de rentabilité soit atteint.

Il semble que la grande éolienne du Gries, près du col du Nufenen, ait une production sensiblement inférieure aux attentes. Si les deux machines du couloir à vent de Vernayaz tournent bien, il y a des doutes sur le grand parc éolien jurassien du Mont-Crosin. En tous cas, les Forces motrices bernoises, qui y ont investi un paquet depuis 1996, affirment dans un récent communiqué que la Suisse «n'est pas un pays idéal pour l'éolien, ne disposant pas de régions côtières ventées». Des études récentes attirent en outre l'attention sur les risques du givre, fréquent dès 1000 mètres d'altitude, qui empêche les hélices de tourner.

Du côté des SIG, la prudence est désormais de mise. Leur président, M. Alain Peyrot, a déclaré dans la Tribune de Genève du 2 octobre: «La faisabilité de nos projets éoliens semble moins bonne que prévu, soit les mâts des éoliennes ne seraient pas assez hauts, soit ils ne seraient pas assez nombreux vu la complexité du terrain.» Ennova est trop optimiste, poursuit- il, dans son programme visant à réaliser 840 mégawatts; on n'abandonnera pas l'énergie éolienne, mais «nous allons redimensionner nos objectifs. C'était devenu pharaonique.»

Pharaonique aussi, le Canton de Vaud, avec son plan d'implantation de 156 éoliennes? Mme De Quattro serait-elle notre Néfertiti? Il s'impose en tous cas de réexaminer ce projet à la lumière d'expériences peu favorables, avant de hérisser nos monts et nos campagnes de mâts et de pales pointus. Avant, par exemple, d'en ériger une série Sur Grati, près de Romainmôtier, défigurant ainsi le site sacré; la petite société d'électricité locale qui parraine ce projet n'en a cure, pas davantage évidemment que les vrais investisseurs, des Zuricois semble-t-il, qui ont jeté leur dévolu sur cet endroit pour y faire tourner leurs pompes à subventions.

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