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Quelle musique pour la Fête des Vignerons 2019?

Frédéric Monnier
La Nation n° 1978 18 octobre 2013

Le concepteur de la prochaine Fête des Vignerons qui se déroulera en 2019 a été désigné en la personne du metteur en scène tessinois Daniele Finzi Pasca. Mais à qui sera confiée la composition de la partition musicale, élément essentiel du spectacle? Et qu’attendre de cette musique?

Les Fêtes de 1905, 1927 et 1955 avaient enrichi de manière substantielle le répertoire des sociétés chorales d’amateurs de ce Pays, mais aussi des cantons voisins. Bien qu’on ne les chante plus beaucoup de nos jours, certains chœurs furent des tubes et ont imprégné durablement la mémoire musicale des Vaudois, contribuant à inscrire la Fête des Vignerons dans leur inconscient collectif.

De la Fête de 1977, on a souvent entendu dire qu’elle n’avait guère laissé de traces dans le répertoire choral. En effet, si l’on excepte la Chanson du blé (seul chœur a cappella de la partition de Jean Balissat1) qui a connu un temps les faveurs des chorales, les autres chœurs ne sont pas entrés au répertoire.

La Fête de 1999 innovait puisqu’elle confiait la musique à trois compositeurs: Jean-François Bovard, Michel Hostettler et Jost Meier. Dans le préambule au fascicule intitulé 14 chants et danses populaires de la Fête des Vignerons 1999 et édité par la Confrérie des Vignerons, le metteur en scène d’alors, François Rochaix, écrivait: «J’espère que vous aurez du plaisir à déchiffrer, à apprendre ces chants et danses, et à voyager avec leurs auteurs au-delà de l’été 1999.» L’espoir de M. Rochaix ne s’est pas concrétisé, car, il faut bien le dire, ces chants n’ont pratiquement pas été repris par nos sociétés chorales.

Mais la question se pose de savoir si la Fête des Vignerons a pour fonction d’enrichir le répertoire de nos chorales. Ce serait certes réduire singulièrement la portée de cette manifestation que d’y répondre affirmativement. Mais si la Fête est, depuis la fin du XIXe siècle, si chère aux cœurs des Vaudois, elle le doit en bonne partie à la popularité de certains chants (outre les airs traditionnels comme le Ranz des Vaches ou la Mi-été de Taveyanne), lesquels ont créé une identité autour de la Fête et tissé des liens entre les différentes parties du Canton. Sans cela, le risque existe que celle-ci ne devienne qu’un grand spectacle parmi d’autres, sans ancrage populaire, ou qu’elle ne s’identifie qu’à la région veveysanne.

Une autre question se pose: pourquoi les chants des deux dernières Fêtes ne sont-ils pas parvenus à s’imposer? Disons d’emblée que le talent des compositeurs et la qualité de leur musique n’est pas en cause. Avançons donc d’autres hypothèses.

En premier lieu, il nous semble que les partitions de ces Fêtes ne comportaient pas suffisamment de chœurs susceptibles d’être chantés sans accompagnement. Si l’on jette un œil sur les partitions de Gustave Doret (Fêtes de 1905 et 1927) et de Carlo Hemmerling (1955), on constate que, bien que tous les chœurs soient accompagnés par l’orchestre, plusieurs peuvent être interprétés sans lui, car il ne fait le plus souvent que doubler les voix; ils ont du reste été édités par la suite sous la forme a cappella. A titre d’exemples, on peut citer le Chœur de l’hiver, la Chanson des jardiniers et jardinières, la Chanson des moissonneurs (Fête de 1905), la Chanson des Faucheurs et Faneuses, la Chanson des moissonneurs et moissonneuses, Le joli meunier, la Chanson de la belle Julie (Fête de 1927), la Chanson du pressoir, le Chœur des moissonneurs, la Chanson du vin malin (Fête de 1955).

Deuxième hypothèse: la musique des Fêtes de 1977 et 1999 est trop difficile pour nos chorales d’amateurs. C’est un reproche fondé, reconnaissons- le, mais, à la décharge de MM. Balissat, Bovard, Hostettler et Meier, il est juste de préciser que les chants de Doret et Hemmerling cités plus haut ne manquent pas non plus de difficultés (souvent écrits haut pour les sopranos et ténors!) et ne sont probablement plus dans les cordes vocales de bien des chorales ou nécessitent des effectifs que celles-ci n’ont plus aujourd’hui2.

Troisième hypothèse, cette fois sans rapport direct avec la Fête: beaucoup de chorales (et de chefs!) rechignent, pour diverses raisons, à travailler des compositions écrites spécifiquement pour quatre voix, préférant se tourner vers des harmonisations de chansons à la mode, plus plaisantes à prime abord pour eux et pour leur public, mais d’un niveau musical hélas trop souvent faible.

Chacune de ces hypothèses mériterait une analyse plus approfondie qui n’a pas sa place ici, et on pourrait en émettre d’autres.

Pour répondre à la question posée dans le titre de cet article, il nous semble, dans un premier temps, qu’on devrait revenir à un seul compositeur, d’abord pour une question d’unité stylistique. François Rochaix justifiait le choix de trois compositeurs en 1999 par l’aspect «multiple et baroque» de la Fête, ajoutant que «le synopsis [déterminait] des espaces [nécessitant] des personnalités et des styles particuliers». Rien n’empêche de revenir à un synopsis plus resserré qui évite de partir dans plusieurs directions.

Par ailleurs, le compositeur choisi devrait avoir en tête d’écrire deux ou trois «tubes» pour chœur (d’hommes ou mixte, peu importe) à la portée de la majorité de nos chorales d’amateurs, avec une ou des mélodies reconnaissables, entêtantes, qui portent en quelque sorte la signature de la Fête. Il n’est pas inconcevable d’écrire une musique populaire au sens le plus noble du terme, sans sacrifier à la qualité musicale et sans tomber dans la musique «simplette» ou «gnangan». Pour ce qu’il en est de la recherche d’une certaine complexité musicale, il est tout à fait possible de la réserver à la partie d’orchestre.

Les compositeurs capables d’écrire une telle musique ne sont pas légion dans notre Canton, mais ils existent; il reste à faire le bon choix!

 

Notes:

1 Pour être complet, on peut y ajouter Ô moisson de mon enfance, mais cette partition dure moins d’une minute…

2 Lors des deux dernières fêtes cantonales des chanteurs vaudois à Aigle (2009) et Payerne (2013), rares étaient les chœurs à dépasser la trentaine de membres. De plus les chœurs mixtes manquent souvent cruellement de voix d’hommes.

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