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Trois résolutions du Synode de l’Eglise évangélique réformée vaudoise

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1831 29 février 2008
Le débat sur l’homosexualité est délicat, touchant aux moeurs dans une époque où les moeurs se défont. En ce qui concerne l’Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud, l’absence d’une autorité magistérielle (1) réaffirmant sereinement la position traditionnelle des Eglises la rend un peu trop sensible aux pressions de la modernité et donne un accent de faiblesse et d’incertitude à ses décisions.

Le Synode des 25 et 26 janvier a voté trois résolutions sur les relations de l’Eglise avec les homosexuels. Nous consacrons cet éditorial à un commentaire, forcément sommaire, de ces résolutions, toutes prises à une très forte majorité.

La première traite de l’appartenance des homosexuels à l’Eglise. A notre avis, il était inutile et même inconvenant de poser la question. D’une façon générale, c’est le baptême qui nous fait membres de l’Eglise «corps du Christ». Les baptisés homosexuels sont membres de l’Eglise au même titre que n’importe quel autre baptisé.

Dans une Eglise multitudiniste comme l’Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud, il n’y a par définition pas de condition d’entrée. Dans son premier paragraphe, la résolution reprend simplement, à la suite du Conseil synodal, l’article 12 des principes constitutifs qui figurent en tête du Règlement d’organisation de l’Eglise évangélique réformée vaudoise: Ouverte à tous, elle reconnaît comme membre toute personne qui accepte «la grâce du Seigneur Jésus- Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit» (2 Cor. 13:13) ainsi que ses principes constitutifs et ses formes organiques. Elle remet à Dieu le jugement des coeurs. Le second paragraphe de la résolution précise: Cette reconnaissance implique donc l’accueil des personnes homosexuelles sans aucune discrimination. La formulation nous paraît meilleure que celle du Conseil synodal, qui proposait le texte suivant: cette reconnaissance s’applique à toute personne, sans discrimination de sexe, d’origine, de milieu, d’orientation sexuelle, incorporant indûment l’élément litigieux à une liste d’éléments qui ne l’étaient pas. Mais la formule sans aucune discrimination ne confirme-t-elle pas implicitement l’interprétation moderniste des textes bibliques concernant l’homosexualité? N’a-t-elle pas mis les doigts synodaux dans l’engrenage d’une acceptation sans réserve de l’accession des homosexuels au ministère et de la bénédiction des couples de même sexe?

La deuxième résolution aborde le problème de l’ouverture du ministère aux homosexuels. L’Eglise catholique distingue entre les homosexuels qui ont choisi la chasteté et les autres. Distinction secondaire, estiment certains milieux traditionnels, qui considèrent que, refoulée ou pratiquée, l’homosexualité lèse l’ordre général de la création. Elle engendre un désordre ontologique qui se manifeste par une dispersion de la volonté, un affaiblissement du jugement et une perte de la maîtrise de ses actes, toutes choses qui rendent l’homosexuel impropre au ministère.

L’idée qu’il existe un ordre des choses, un ordre naturel que l’homme peut blesser par un comportement inadéquat est aujourd’hui totalement rejetée en ce qui concerne le domaine moral, où seule la liberté individuelle est admise. En revanche, elle est parfaitement reçue en matière écologique. Nous la croyons fondée, mais il ne faut pas en tirer des conséquences excessives. On ne peut pas, en particulier, ne pas tenir compte du fait avéré que certains homosexuels ont beaucoup apporté au pays et, pour quelquesuns, à l’Eglise.

L’homme est traversé de pulsions contradictoires, plus ou moins fortes et plus ou moins conscientes. Les moeurs publiques et l’éducation familiale orientent ces pulsions, les soutiennent ou les contiennent selon qu’elles sont bénéfiques ou non pour la communauté, pondérant ainsi les déséquilibres et tempérant les excès. En ce sens, la distinction catholique entre tendance et pratique conserve toute sa raison d’être par rapport au ministère, pour autant que la continence soit vécue dans une perspective de sanctification, comme un sacrifice raisonnable auquel le coeur participe, et non comme une contrainte purement extérieure visant à sauvegarder les apparences.

Même dans cette perspective, la question de la compatibilité entre le ministère et l’homosexualité reste posée, mais elle l’est sur le plan de la prudence, notamment à cause de l’exemple lié au caractère public du ministère, plutôt que sur celui du principe.

Le Synode a voté le texte suivant:

De même que l’Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud, à quelque niveau ou moment que ce soit, ne saurait mettre un ministre ou un candidat à un ministère en demeure de dévoiler son orientation sexuelle, de même un ministre ne saurait mettre en demeure l’Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud de se prononcer officiellement sur son orientation sexuelle. Pour sa part, le ministre ne saurait utiliser sa fonction comme lieu de revendications ou de militance. Cette double limite s’applique à l’accession aux ministères et à la nomination dans un lieu d’Eglise.

Dans la nécessaire articulation entre sphère privée, vie publique et ministère, chacun veillera à ce que son comportement et son discours ne deviennent pas «pierre d’achoppement». (cf. I Cor. 8:9)

Pour résumer: du côté de l’Eglise, pas de réprobation de principe déduite des textes bibliques, pas d’enquête ni de chasse aux sorcières, mais pas non plus de légitimation officielle de l’homosexualité; du côté du ministre homosexuel, pas de détournement de ministère, pas de scandale ni d’atteinte aux moeurs.

Concrètement, tout se jouera dans l’interprétation du second paragraphe par la Commission de consécration ou par l’Assemblée paroissiale, sur laquelle retombe finalement tout le poids théologique et moral de la question. Ces autorités doivent décider non en fonction d’un droit individuel à être consacré ou nommé dont disposerait le candidat, mais en fonction exclusive des nécessités de l’Eglise, ou de la paroisse, et de la capacité du candidat à les satisfaire. En particulier elles prendront en compte le fait que la vie privée du pasteur, et particulièrement sa vie conjugale, a valeur d’exemple, en bien ou en mal. Elles auront à l’esprit, quelles que soient les pressions qui ne manqueront pas de s’exercer, le fait que les fidèles sont très généralement choqués à l’idée qu’un ménage homosexuel occupe la cure: c’est une lourde «pierre d’achoppement».

Le chrétien homosexuel qui envisage de devenir ministre du saint Evangile doit, comme n’importe quel autre chrétien, juger les choses dans la perspective prioritaire du bien de l’Eglise et non dans son intérêt propre. Il devra à tout le moins se représenter les conséquences de son accession à la charge pastorale et, pour parler plus carrément, de sa présence en couple dans la paroisse. Il ne saurait lui être indifférent qu’un certain nombre de paroissiens abandonnent l’Eglise à cause de son comportement, même s’il est persuadé qu’ils ont tort. Homosexuel ou non, il revient à chacun de choisir une manière de servir Dieu qui lui évite d’être une cause de scandale, c’est-à-dire une occasion de chute pour autrui.

Et si quelqu’un cherche à devenir pasteur pour faire avancer la «cause» homosexuelle, il abuse de la foi et trompe les fidèles.

On nous objectera que le raisonnement sur l’exemplarité et la contre-exemplarité du ministre pourrait se tenir à propos des pasteurs divorcés ou vivant en concubinage. L’analogie n’est pas infondée. Il reste à savoir si elle justifie l’accession des homosexuels au pastorat ou si elle pose la question de la légitimité des pasteurs concubins ou divorcés. Ose-t-on encore poser la question?

La dernière résolution tient en trois paragraphes:

L’Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud ne célèbre pas de culte de bénédiction de mariage pour couples de même sexe.

L’Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud veille à l’accompagnement des couples de même sexe, mais ne célèbre actuellement pour eux aucun acte liturgique.

Avant de se prononcer sur le principe d’un acte liturgique spécifique, le Synode charge le Conseil synodal de poursuivre sa réflexion, en lien avec d’autres Eglises réformées, et de lui présenter un projet d’acte liturgique spécifique que l’Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud pourrait offrir à ces couples.

Le premier alinéa affirme, à la suite du Conseil synodal, qu’il n’y a pas de mariage possible entre deux personnes de même sexe. C’est enregistré.

Dans le deuxième alinéa, accompagnement signifie que la porte de l’Eglise reste ouverte aux couples homosexuels. Là encore, un fond d’incertitude demeure sur la portée exacte du texte. Le reste de l’alinéa n’a qu’une portée disciplinaire: le Synode réprouve les liturgies sauvages.

Au troisième alinéa, il faut déplorer la faiblesse insigne de la formule en lien avec d’autres Eglises réformées. On n’est pas plus imprécis! Pourquoi n’a-t-on pas au moins décidé que la réflexion se ferait en lien avec l’ensemble des Eglises réformées, ou même, pour revenir à la question de l’unité de l’Eglise, en lien avec les autres Eglises chrétiennes?

Certains membres du Synode ont exprimé la crainte que la liturgie pour couples de même sexe ne soit confondue avec une bénédiction de mariage. Crainte d’autant plus fondée, comme le rappelait le pasteur Jean-Pierre Tuscher dans la Nouvelle Revue de Lausanne, que notre époque est friande de mariages fantaisistes et de liturgies «originales».

Soulignons que cette confusion n’est pas accidentelle. Elle est constitutive de la bénédiction des couples de même sexe, forme liturgique sans objet propre si ce n’est une imitation fallacieuse de la bénédiction de mariage.

Plutôt que demander un projet d’acte liturgique spécifique, le Synode aurait dû s’opposer d’emblée au principe même, tant pour des motifs de foi que pour des motifs de moeurs. Pour l’avenir immédiat, le Conseil synodal devrait surseoir à ce projet et reprendre la question sur le fond.

D’une façon générale, nous regrettons le manque d’esprit critique de l’Eglise à l’égard des principes qui dirigent l’évolution du monde moderne. Elle n’a sans doute pas, aujourd’hui, l’influence nécessaire pour changer les coeurs, les moeurs et les lois. Mais ce n’est pas une raison pour accepter sa propre résorption par le monde. C’est même un motif supplémentaire pour elle de témoigner librement et sans concession, à sa place, avec ses moyens et selon sa mission. Et c’est peut-être ce qu’elle dira de plus contraire à la pensée moderne qui lui permettra, en d’autres temps, de reprendre la main.


NOTES:

1) La Faculté de théologie a joué ce rôle durant des siècles. Elle n’y tient manifestement plus.

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Au sommaire de cette même édition de La Nation:
  • Séminaire 2008: la démocratie en question (I) – Fé. Mo.
  • Les Provinciales de la démocratie politique – Eric Werner
  • Géométries variables – Revue de presse, Philippe Ramelet
  • Une soixante-huitarde lucide – Revue de presse, Ernest Jomini
  • La grève financée par l'Etat – Revue de presse, Ernest Jomini
  • «Modérantisme» et «refus de l'ennemi» – Denis Ramelet
  • Kosovo indépendant? – Nicolas de Araujo
  • Remplissage – Le Coin du Ronchon