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Actualités  |  Mardi 20 mai 2014

Les contradictions du multiculturalisme

Dans une société multiculturelle, chaque culture a sa place au même titre que n'importe quelle autre. C'est une extension de la revendication d'égalité entre les individus: si tous sont égaux, quels que soient leur couleur, leur sexe et leur statut social, n'est-il pas logique d'affirmer l'égalité des cultures qu'ils représentent?

Pour faire une société multiculturelle, il faut commencer par contester l'inégalité la plus criante, celle qui affirme la primauté de la culture des premiers occupants. En particulier, il faut rejeter, comme attentatoire à l'égalité, l'idée traditionnelle qui veut que ce soit la culture du lieu qui assimile les cultures arrivantes.

Or, la culture et le lieu, autrement dit, la communauté et le territoire, sont indéfectiblement liés. On peut même dire qu'ils se définissent l'un par l'autre. C'est ensemble et d'un même mouvement qu'ils font l'histoire du pays, son agriculture et sa viticulture, son industrie, son architecture, ses productions artistiques et littéraires. Casser le lien privilégié entre la culture et le lieu, c'est casser à la fois la culture concernée et la communauté qui en est le support. Cette volonté mortifère est à l'œuvre chez nous depuis longtemps, comme en témoigne, notamment, le désintérêt durable que l'Ecole obligatoire manifeste à l'égard de l'histoire du Canton de Vaud.

Ainsi donc, la culture du lieu ne peut devenir multiculturelle et accueillir les autres cultures comme des sœurs qu'en commençant par se déraciner elle-même. La société multiculturelle est une société hors-sol.

Toute culture humaine connaît des hauts et des bas. Mais du point de vue de l'idéologie multiculturelle, une culture vaut tout autant à son apogée qu'à son extrême déclin. Car reconnaître l'inégalité de la même culture à différentes époques ce serait reconnaître du même coup l'inégalité possible de plusieurs cultures au même moment, toutes n'étant pas forcément au même point de leur évolution. La société multiculturelle est une société hors du temps.

Hors-sol et hors-temps, la société multiculturelle est une pure abstraction. Elle est de plus une abstraction hors-logique. Ses partisans hésiteront éternellement face à la question insoluble de savoir si une culture égalitaire est supérieure à une  culture inégalitaire. S'ils répondent non en vertu de l'égalité des cultures, ils légitiment l'existence de zones culturelles de non-égalité entre les individus, en particulier entre les hommes et les femmes.

S'ils répondent oui, s'ils nient l'égalité des cultures au nom de l'égalité des individus, ils affirment l'infériorité des individus qui acceptent de faire partie d'une culture inégalitaire. Une société multiculturelle n'accepte les autres cultures sur pied d'égalité que si elles sont, elles aussi, multiculturelles. En théorie, le multiculturalisme est inclusif et ouvert. A l'usage, il se révèle exclusif, sectaire et destructeur.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 20 mai 2014)