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Actualités  |  Mardi 8 avril 2014

Une étatisation peut en cacher une autre

L'initiative pour un salaire mensuel minimum de 4000 francs court-circuite le système des conventions collectives en confiant à l'Etat un aspect particulièrement important des relations entre employeurs et employés. La situation de la France montre pourtant l'inefficacité de ce système étatisé, les blocages durables, l'érosion industrielle, la croissance sans fin du chômage.

Les entrepreneurs dénoncent l'injustice d'une initiative simpliste et brutale qui ne tient compte ni des différences cantonales, voire régionales, ni des différences entre les branches.

On sait déjà que plusieurs corps de métiers ne pourront pas s'aligner, notamment dans le nettoyage, l'hôtellerie et l'agriculture. On doit donc s'attendre à un accroissement du travail sur appel, peut-être à des faillites ou à des délocalisations. Il faut encore prévoir la disparition de nombreux petits boulots mal payés mais utiles à tous. En ce sens, les jeunes mal formés auront plus de difficultés qu'aujourd'hui à trouver un gagne-pain. Ces critiques et ces craintes justifient à elles seules le rejet de l'initiative.

Mais le salaire minimum n'est que la pointe de l'iceberg, pour ne pas dire un leurre destiné à concentrer l'attention des opposants et les sentiments de l'électeur sur un élément particulièrement sensible.

Qu'on relise le texte complet de l'initiative! Il commence ainsi: «La Confédération et les cantons adoptent des mesures pour protéger les salaires sur le marché du travail.» Insistons sur le fait qu'il ne s'agit pas ici d'un de ces titres d'initiative ronflants destinés à accrocher la presse et l'électeur. Il s'agit du premier alinéa d'une initiative. Il s'agit d'une disposition constitutionnelle qui aura force contraignante pour le législateur. Le salaire minimum, traité au troisième paragraphe, n'est qu'un volet de ce qui se présente, discrètement, comme une véritable révolution économique.

Chargée de «protéger les salaires», minimaux ou non, l'administration fédérale ou telle administration cantonale pourra interdire, en toute ignorance de la situation concrète, une baisse de salaire nécessaire à la survie d'une entreprise en difficulté. Elle pourra aussi, toujours pour protéger les salaires, interdire une mise en faillite et prendre à sa charge – c'est-à-dire à celle du contribuable – une partie de ces salaires. Ce «sauvetage» lui donnerait du même coup un droit d'intervention dans la conduite future de l'entreprise.

Le 18 mai prochain, nous ne voterons donc pas seulement sur le salaire minimum. Nous voterons pour dire si nous acceptons que l'Etat intervienne dans la politique générale des salaires et, au-delà, qu'il soit nanti d'une espèce de compétence économique aussi intrusive qu'imprécise. Les auteurs de l'initiative, par ressentiment à l'égard des patrons ou par aveuglement idéologique, en appellent au sabordage de notre économie. On peut encore dire non.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 8 avril 2014)