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A-t-on vraiment besoin d’une banque postale?

Vincent Hort
La Nation n° 1867 17 juillet 2009
Le débat sur la banque postale n’est pas nouveau mais a connu un regain de vigueur ce printemps, à l’occasion de la mise en consultation par le conseil fédéral d’une révision totale de la législation postale. Le projet de nouvelle loi sur la poste prévoit l’ouverture complète du marché postal à la concurrence, la définition du service universel et l’interopérabilité entre les différents acteurs du marché. quant à la loi sur l’organisation de la Poste, elle propose de transformer l’ancienne régie fédérale en société anonyme détenue majoritairement par la confédération et de soumettre Postfinance à la surveillance de la finMa (l’autorité de surveillance des marchés financiers), moyennant l’octroi d’une licence bancaire. cette révision s’inscrit dans le mouvement général de libéralisation des marchés en cours au sein de l’union européenne.

Aujourd’hui déjà, Postfinance constitue l’un des acteurs financiers majeurs de suisse, assurant notamment 60% du trafic des paiements et drainant plus de 50 milliards de francs d’épargne. La crise financière de 2008, en sapant la confiance des épargnants envers les grandes banques, a accéléré le flux d’argent frais vers Postfinance. Pour la Poste, cette branche d’activité représente une part croissante de ses bénéfices alors que l’activité traditionnelle d’acheminement des lettres et des colis connaît une baisse régulière en raison de la diminution des volumes et du rétrécissement progressif du monopole.

Dans ce contexte, le nouveau président de la Poste, le vaudois claude béglé, demande l’octroi d’une licence bancaire en faveur de Postfinance. Habile communicateur, M. béglé plaide la cause des PMe du pays auxquelles la Poste pourrait avantageusement accorder elle-même des crédits commerciaux. Dans sa campagne, la direction de la Poste a trouvé un allié de circonstance avec le syndicat de la communication. celui-ci, inquiet du programme de «réexamen» de 420 bureaux de poste annoncé par la direction du géant jaune, exige la création d’une banque postale dont les bénéfices serviraient à financer le maintien du réseau des offices postaux. Le syndicat de la communication a déjà recueilli 158’000 signatures avec sa pétition «contre le démantèlement du réseau postal» et, fort de ce succès, envisage de lancer à l’automne une initiative pour faire inscrire le réseau dans la loi. De son côté, le Parti socialiste a lui aussi annoncé le lancement d’une initiative sur le même sujet, espérant ainsi récupérer à son profit l’émotion populaire suscitée par les menaces supposées sur les offices de poste. il semble toutefois que le syndicat de la communication n’entende pas se laisser souffler son projet aussi facilement par les camarades du Ps…

Paradoxalement, avant même l’ouverture de la consultation, le conseil fédéral avait déjà fait part de son opposition à l’extension du champ d’activité de Postfinance, estimant que cela exposerait l’entreprise «à des risques supplémentaires compte tenu de l’instabilité actuelle des marchés financiers». cela n’a manifestement pas suffi à clore le débat, qui semble toutefois temporairement retombé.

Faut-il vraiment accepter la logique d’une banque postale, dont la création serait en quelque sorte concédée à la Poste en compensation de l’ouverture totale du marché? Le choix se résumet- il véritablement, comme le prétendent les partisans de la licence bancaire, à l’alternative entre une banque postale et une «poste bancale» qui se trouverait privée des moyens de fournir les prestations qu’attendent la population et les entreprises?

On comprend bien que, les activités financières étant celles qui lui rapportent le plus, la Poste souhaite les développer en tirant parti des milliards récemment déposés chez elle. cela ne signifie pas pour autant qu’il existe aujourd’hui en suisse une pénurie des possibilités d’octroi de crédit aux PME. Les banques cantonales ont également bénéficié d’importants apports de fonds et continuent à offrir des financements sur un marché où les taux sont particulièrement bas. La venue d’un acteur supplémentaire ne répond donc pas à une nécessité économique particulière. De plus, l’octroi de crédit implique une prise de risque qui n’est pas dans la vocation de la Poste, comme l’a relevé à juste titre le conseil fédéral. quant au réseau des offices de poste, force est de constater que sa rationalisation a déjà été entreprise depuis plusieurs années sans provoquer une désertification des régions périphériques ou un rationnement des services fournis à la population. Le subventionnement des offices postaux par les activités financières de la Poste introduirait une nouvelle distorsion de concurrence incompatible avec les règles économiques de la suisse en général et l’ouverture du marché postal en particulier. il s’agit là d’une «fausse bonne idée» qui soulève plus de problèmes qu’elle n’apporte de solutions.

Il n’en reste pas moins que la Poste, qui assume le mandat de service universel, doit pouvoir disposer des moyens nécessaires pour assurer les prestations non rentables que ce mandat implique. Le projet de loi sur la poste prévoit à cet égard l’éventualité d’une indemnité versée par la confédération. il convient dès lors que le législateur ne définisse pas un mandat de service universel excessivement restreint et tienne compte équitablement des intérêts des régions périphériques et des équilibres confédéraux. Par conséquent, il semble préférable que le financement du service universel soit assuré par l’activité postale elle-même, y compris les services financiers actuels, quitte à maintenir au besoin un certain degré de monopole en faveur de l’opérateur historique.

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