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Jean Raspail, homme et écrivain de droite

Jean-François CavinLa page littéraire
La Nation n° 1876 20 novembre 2009
L'écrivain français Jean Raspail, de passage en terre vaudoise, a consacré une soirée à l'un de nos récents Entretiens du mercredi. Il a introduit ce moment privilégié, consacré pour l'essentiel au dialogue, par un survol de son œuvre romanesque. Du haut de ses 84 ans, qu'il porte vaillamment, il jette sur son étonnant parcours un regard parfaitement objectif et légèrement amusé.

A vrai dire, il est venu au roman sur le tard, aux approches de la cinquantaine. Plus exactement, féru d'écriture, il a rédigé son premier roman à l'âge de 19 ans, l'a soumis à un académicien ami de son père, s'est entendu dire que cela ne valait rien (et Raspail, ayant relu bien plus tard son manuscrit, est parfaitement d'accord avec son censeur) et se l'est tenu pour dit. Il se voue donc à autre chose: il court le monde, surtout dans des contrées lointaines dont les civilisations originelles sont menacées par la modernité, et publie des récits de voyages et d'aventures. Puis vint son premier roman publié, un des plus fameux, Le Camp des saints, dont l'écriture, dit-il, lui a été comme dictée sous l'effet d'une inspiration supérieure et l'a laissé exténué après dix-huit mois de travail ininterrompu. Et les autres titres suivirent, dont une quinzaine de romans.

L'écrivain les regroupe autour de trois thèmes (Le Camp des saints étant présenté comme un cas à part): le roi, la Patagonie et ce qu'on peut évoquer comme les confins du réel. Peut-être est-il permis d'ajouter que de fortes parentés relient ces trois catégories, notamment cette manière très piquante et féconde de laisser l'imagination courir à partir de faits réels restés en marge de la grande Histoire. On n'est jamais loin du rêve!

Raspail est un homme de droite, dont les écrits comme les propos et le comportement mettent en valeur les vertus de l'honneur et de la fidélité, les riches heures du passé et le prix de la tradition. Un homme de droite aussi par un certain pessimisme qui l'habite. A ses yeux, cette chère vieille Europe chrétienne qu'il aime tant est en voie de perdition. «Mais le christ est vivant!», s'exclame une auditrice.

Certes, mais on sent notre auteur, qui se dit lui-même «catho-catho-catho», si profondément attaché à la tradition romaine civilisatrice de notre continent… Au reste, Raspail n'est pas théologien, ni philosophe, et se défend même d'être un penseur. C'est un écrivain.

Un bel écrivain. Sa plume a de la tenue, tant stylistique que morale, de la verve, de la tendresse aussi pour les personnages qu'il affectionne, et de l'esprit. Ses lignes sont toujours porteuses d'une signification, alors que certains plumitifs se complaisent à jouer avec les mots à seule fin de briller dans des exercices verbaux verbeux.

Raspail est encore homme de droite en ceci qu'il ne se prend pas tout-à-fait au sérieux. Si scrupuleux soient-ils, les gentilshommes témoignent souvent de cette désinvolture souriante qui leur fait prendre un peu de distance vis-à-vis de leurs affaires et d'eux-mêmes.

C'est dans cet esprit, sans doute, que Raspail, en qualité de consul général du Royaume de Patagonie, perpétue virtuellement, avec d'assez nombreux compères, la monarchie australe qu'Antoine- Orélie Ier, né de Tounens dans cette Dordogne où il fut avoué, incarna effectivement – et brièvement – en 1860, allant jusqu'au bout de son rêve. Ainsi les secrets de l'Histoire, les beautés de la monarchie, le goût de l'aventure lointaine, le sens de l'humour et le souffle de l'imagination se rejoignent-ils chez un écrivain d'une remarquable originalité.

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