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L’initiative de la souveraineté

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2018 15 mai 2015

La souveraineté, c’est le droit du dernier mot. C’est notamment, pour un Etat, le droit et le devoir d’exercer une maîtrise jalouse sur le choix et le fonctionnement de ses institutions politiques et judiciaires. La souveraineté est mise en cause aujourd’hui.

Je ne parle pas de l’interdépendance entre les Etats, qui a toujours existé, même pour les plus puissants, et que la souveraineté permet de gérer sous forme de traités. Les obligations qui découlent de ces traités ne suppriment pas la souveraineté, elles en mettent simplement une partie en suspension. Ainsi, même si la Suisse est fortement dépendante de ses voisins, l’affirmation de sa souveraineté conserve tout son sens en ce qu’elle réserve l’avenir. Plier n’est pas rompre.

Ce qui est mis en cause aujourd’hui, c’est le principe même de la souveraineté, avec cette idée que certains principes universels du droit et de la morale, notamment formulés dans la Déclaration des droits de l’homme, lui sont supérieurs.

Cette séparation est une erreur fondamentale en ce que ces principes universels n’existent pas indépendamment des normes particulières du droit positif, mais seulement en composition avec elles. Ils sont comme l’âme humaine par rapport au corps. Ils sont l’âme du droit, à l’œuvre dans le corps du droit.

Cette séparation artificielle entre principes universels et lois particulières est contraire à la nature et à l’unité du droit. Elle pousse à unifier le droit au niveau mondial. L’unification se fera au détriment des souverainetés nationales, qui se verront réduites à l’exercice de quelques droits mineurs, accordés à bien plaire pour des motifs pratiques.

L’unification est manifeste avec les « normes impératives du droit international », censées s’imposer à tous les Etats. C’est ce qu’on appelle le jus cogens, le droit contraignant. Cela concerne les délits d’Etat, si l’on ose dire, la torture, la piraterie, l’esclavage, le génocide, la guerre d’agression. Personne ne tient à contester la gravité de ces actes et, par conséquent, tout le monde est d’accord avec leur interdiction. Mais du même coup, on ouvre la porte au reste. Aujourd’hui déjà, la Convention de non-refoulement est en passe de devenir une norme impérative. On peut penser que la lutte contre la fraude fiscale en fondera une autre. Puis ce seront les procédures pénales, puis les délits individuels à forte connotation idéologique, comme le racisme. De fil en aiguille, tout y passera.

Le Tribunal fédéral a d’ores et déjà pris l’habitude de considérer le droit international, même non-impératif, comme supérieur à l’ordre juridique suisse. Il se soumet par principe à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui ne cesse pourtant de s’étendre sans que nous n'ayons jamais un mot à dire sur cette extension.

Ce transfert de souveraineté pose aussi des problèmes d’application. Une disposition juridique n’a de sens que s’il existe un pouvoir apte à la faire respecter et à sanctionner celui, quel qu’il soit, qui la transgresse. Or, les organes internationaux, notamment l’ONU, censés jouer ce rôle sont impuissants face aux grands Etats. Les décisions des tribunaux pénaux internationaux (TPI) sont politiques plus que judiciaires, et vont généralement dans le sens de l’« ordre » mondial voulu par ces Etats.

On sait qu’il n’y aura jamais de TPI les mettant en cause, eux ou leurs alliés, un TPI Guantanamo (torture), par exemple, un TPI Irak ou Lybie (guerre d’agression), un TPI Mundial du Qatar (esclavagisme).

Concrètement, le droit international impératif, ou en voie de l’être, n’est rien d’autre que la liste des obligations imposées aux petits Etats, le mode d’emploi de leur assujettissement.

La vérité est que l’homme ne progresse pas sur le fond, que la psychologie des hommes d’Etat ne change pas, que les rapports de force continuent encore et toujours de diriger les relations internationales.

Il reste donc capital que les petits Etats affirment et fassent valoir leur souveraineté de toutes leurs forces et de toutes les manières.

La Suisse, traditionnellement neutre et méfiante à l’égard de tout droit prétendument supérieur, a perdu sa boussole politique au début des années nonante. On peut bien prendre des airs volontaristes (« la Suisse se profile enfin dans la cour des grands ») ou pragmatiques (« de toute façon, on y passera… »), ce ne sont que faiblesse et manque d’imagination. Et c’est dans le même esprit que les milieux officiels s’efforcent de réduire la portée de la démocratie directe, sous prétexte de la « dynamiser ».

L’initiative de l’Union démocratique du centre, intitulée « Le droit suisse au lieu de juges étrangers », va à l’encontre de cette évolution mortifère. Nous avons décidé de la soutenir.

Son message est simple : la Constitution fédérale prime sur le droit international parce que la Suisse continue d’être un Etats souverain. Dès lors, la Confédération ne contracte aucune obligation qui contrevient à la Constitution. En cas de conflit entre nos obligations internationales actuelles et la Constitution, les premières doivent être adaptées ou, à défaut, dénoncées. Enfin, la Suisse ne sera tenue d’appliquer que les traités internationaux qui auront été soumis au référendum (lancé ou non).

La rédaction appelle une ou deux réserves. En particulier, la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 5 est légèrement tarabiscotée. La locution de « source suprême » est étrange et inusitée en droit constitutionnel suisse. Pour autant, cette phrase ne remet pas en cause les souverainetés cantonales. Elle affirme simplement la primauté de la Constitution en matière de droit fédéral.

Au fond, l’initiative ne propose rien de nouveau. Elle explicite simplement le principe de souveraineté, explicitation qui allait de soi il n’y a pas si longtemps. Une feuille de signatures est encartée dans le présent numéro de La Nation. Faites-en bon usage ! 

 

Initiative populaire fédérale « Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l’autodétermination) »

 La Constitution est modifiée comme suit:

Art. 5, al. 1 et 4

1    Le droit est la base et la limite de l’activité de l’Etat. La Constitution fédérale est la source suprême du droit de la Confédération suisse.

4    La Confédération et les cantons respectent le droit international. La Constitution fédérale est placée au-dessus du droit international et prime sur celui-ci, sous réserve des règles impératives du droit international.

Art. 56a Obligations de droit international

1    La Confédération et les cantons ne contractent aucune obligation de droit international qui soit en conflit avec la Constitution fédérale.

2    En cas de conflit d’obligations, ils veillent à ce que les obligations de droit international soient adaptées aux dispositions constitutionnelles, au besoin en dénonçant les traités internationaux concernés.

3    Les règles impératives du droit international sont réservées.

Art. 190 Droit applicable

   Le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et les traités internationaux dont l’arrêté d’approbation a été sujet ou soumis au référendum.

Art. 197, ch. 122

12. Disposition transitoire ad art. 5, al. 1 et 4 (Principes de l’activité de l’Etat régi par le droit), art. 56a (Obligations de droit international) et art. 190 (Droit applicable)

A compter de leur acceptation par le peuple et les cantons, les art. 5, al. 1 et 4, 56a et 190 s’appliquent à toutes les dispositions actuelles et futures de la Constitution fédérale et à toutes les obligations de droit international actuelles et futures de la Confédération et des cantons 

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