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NON à la réforme de la fiscalité successorale

Antoine Rochat
La Nation n° 2018 15 mai 2015

Si vous avez une bonne mémoire, vous vous souvenez que notre journal a déjà consacré deux articles en 2011 à l’initiative évangélico-socialiste visant à introduire un impôt successoral fédéral1.

Muni de 110’205 signatures valables, ce texte a été déposé en 2013 et il sera soumis au vote du peuple et des cantons le 14 juin 2015. Le Conseil fédéral et les Chambres recommandent de rejeter cette proposition, que nous qualifierons de dangereuse et mal ficelée.

Unité de la matière ?

Le titre de l’initiative « imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS » prouve que l’on mélange deux notions qui n’ont pas grand-chose à voir : l’imposition des successions et le financement d’une assurance sociale.

A notre avis, le principe constitutionnel de l’unité de la matière2 n’est pas respecté, et l’Assemblée fédérale aurait dû invalider ce texte. Dans son message, le Conseil fédéral n’a pas eu ce courage, se référant à un curieux adage, « in dubio pro populo »3.

 

Rétroactivité ?

Les dispositions transitoires de l’initiative contiennent une phrase énigmatique : « Les donations sont imputées rétroactivement au legs à partir du 1er janvier 2012. » En d’autres termes, si l’initiative venait à être acceptée, les donations supérieures à fr. 20 000.–, valablement faites entre 2012 et 2015, seraient ajoutées à la masse successorale des successions ouvertes par la suite.

A notre connaissance, cette clause rétroactive serait une première dans la Constitution fédérale. Or, cette disposition bafoue les droits acquis et le principe de la bonne foi. Le Conseil fédéral la considère comme « problématique ». A nos yeux, elle suffit à elle seule à rejeter l’ensemble du paquet.

 

Taxer les riches ?

Selon M. Christian Levrat, président du Parti socialiste, « il y a une concentration malsaine de la fortune dans quelques mains »4. En réalité, le nombre d’assujettis à l’imposition selon l’initiative serait très élevé.

« Plusieurs millions » de francs à taxer selon le titre du texte, ce sont en fait deux millions d’après l’alinéa trois. Les biens seraient estimés à leur valeur vénale, et non pas à la valeur fiscale, plus basse. En outre, l’impôt ne serait pas calculé sur les parts revenant à chaque héritier, mais sur la masse successorale prise dans son ensemble. Le taux de l’impôt ne serait pas progressif, mais fixe, à hauteur de 20 %.

Autrement dit, il ne s’agirait pas de taxer uniquement quelques riches fortunés, mais de nombreux citoyens, y compris ceux issus de la « classe moyenne ». Enfin, il faut rappeler que les héritages sont constitués de biens qui ont déjà été imposés au titre de l’impôt sur le revenu et à celui sur la fortune. On peut parler de « triple imposition ».

 

La souveraineté fiscale des cantons

Même s’il existe une harmonisation formelle de certains impôts cantonaux, et si la Confédération prélève de – trop – nombreux impôts, les cantons suisses disposent encore aujourd’hui de larges compétences dans le domaine fiscal. L’acceptation de l’initiative serait un pas fatal vers la centralisation, comme le relève à juste titre le message du Conseil fédéral :

En vertu de l’art. 3 Cst, les cantons sont souverains et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération. Ils détiennent donc la souveraineté fiscale dans la mesure où elle n’a pas été déléguée à la Confédération. La compétence de prélever un impôt sur les successions et les donations appartient traditionnellement aux cantons. […] Ce transfert de compétence et l’opposition résolue des cantons contre la perte de cette compétence sont les raisons capitales qui s’opposent à l’institution d’un impôt fédéral sur les successions et donations.5

On ne saurait mieux dire.

 

Conclusions

Si le texte soumis au vote du peuple et des cantons venait à être accepté, on peut d’ores et déjà prévoir une rude bataille à propos de la loi d’application (l’initiative prévoit notamment l’exonération du conjoint survivant et des réductions limitées pour la transmission des entreprises).

Mal rédigée, contraire aux principes de l’unité de la matière et de non-rétroactivité, trompeuse, l’initiative pour un impôt successoral fédéral porterait une grave atteinte aux droits des héritiers et à la souveraineté des cantons. Elle doit être rejetée le plus nettement possible. Votez et faites voter NON le 14 juin prochain.

 

Notes:

1 La Nation n° 1924 du 23 septembre 2011 et n° 1926 du 21 octobre 2011.

2 Art. 139 al. 3 Cst. féd.

3 FF 2014 p. 128.

4 24 heures du 18 avril 2015.

5 FF 2014 p. 140.

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