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Il faut conserver la personnalité morale aux paroisses vaudoises

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1782 14 avril 2006
Le Conseil d’Etat a mis en consultation son avant-projet de loi sur l’Eglise évangélique réformée vaudoise. La façon différenciée dont il traite les paroisses et les régions a fait problème au Synode.

Actuellement, ce ne sont pas les paroisses ni les régions, mais les caisses paroissiales et régionales – comme d’ailleurs la caisse cantonale – qui ont la personnalité morale de droit public. Cette bizarrerie apparente s’explique par le fait qu’on avait à l’époque jugé inconvenant que l’Eglise et les paroisses comme telles fassent l’objet d’un statut juridique.

L’avant-projet simplifie les choses en accordant désormais la personnalité morale de droit public aux paroisses elles-mêmes. En revanche, il ne l’accorde pas aux régions. Celles-ci pourraient tout au plus recevoir la personnalité morale de droit privé.

Certains membres du Synode n’ont pas apprécié cette dévalorisation des régions par rapport aux paroisses. Le Synode a donc demandé, à une légère majorité, que les paroisses soient, comme les régions, privées de la personnalité morale. Ou alors, subsidiairement, qu’on l’accorde aussi aux régions. En un mot, que les paroisses et les régions soient traitées identiquement du point de vue juridique.

Privées de personnalité morale, les paroisses se verraient contraintes de remettre à des associations ou à des fondations de droit privé les propriétés mobilières et immobilières nécessaires à l’exercice de leur ministère.

L’égalitarisme manifesté par le Synode ne tient pas compte des différences de nature entre les paroisses et les régions. Depuis des siècles, les communautés paroissiales sont l’unité de base de l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud. Elles en assurent la vie spirituelle au quotidien. Elles en expriment l’enracinement historique dans un territoire qu’elles animent jusque dans ses confins les plus reculés. Correspondant en général aux découpages communaux, avec un maillage plus large en campagne, identique ou plus fin dans les villes, les paroisses doublent la cohésion communale d’un élément spirituel et moral. Sous la conduite du pasteur – ou des pasteurs – du lieu, elles ont, comme lui – comme eux –, une vocation généraliste.

Contrairement aux paroisses, les régions ne sont pas des communautés, mais des zones de services. Tandis que la paroisse assume des tâches permanentes, les tâches de la région sont plutôt occasionnelles. Aux dires des intéressés, elles assurent entre les pasteurs des relations de collaboration et de suppléance plus fortes que du temps des arrondissements ecclésiastiques. Elles sont aussi mieux à même d’organiser des manifestations d’une certaine envergure. Au moment où nous écrivons, notre région s’apprête à vivre la marche de l’Aube de Pâques, qui verra, comme chaque année, des centaines de fidèles en provenance de toutes les paroisses de la région converger sur l’Eglise de Saint Etienne de Moudon. Ceux qui ont vécu l’approche nocturne et silencieuse de la ville, le culte chaleureux, l’animation progressive des vitraux par la lumière naissante peuvent en témoigner, les pasteurs régionaux, avec les nombreuses personnes qu’ils mettent à contribution, réalisent à cette occasion quelque chose d’important pour les paroisses. En même temps, il est évident qu’ils ne peuvent le faire que parce que les paroisses existent et assurent au jour le jour l’entretien minutieux, peu spectaculaire mais opiniâtre, de la foi.

Une autre différence est que, comme l’Eglise cantonale, les paroisses disposent de ressources propres, tandis que les régions ne vivent que des contributions de l’une et des autres.

Traiter les régions et les paroisses de la même manière, c’est faire des premières des sortes de superparoisses. C’est placer les unes et les autres en situation de concurrence improductive. Cette concurrence existe d’ailleurs aujourd’hui déjà, plus ou moins larvée. Les pasteurs attachés à la région sont constamment tentés de donner à celles-ci plus de réalité qu’elle n’en a. Certains ne craignent pas de se référer à une «identité régionale» pour le moins vaporeuse. L’un d’eux m’annonce une «catéchèse régionale». Un autre affirme devant les catéchètes de la région que «la paroisse d’autrefois n’existe plus». L’idée sous-jacente et jamais exprimée des pasteurs régionaux est que la région d’aujourd’hui, c’est la paroisse de demain.

Que la paroisse d’aujourd’hui soit moins présente qu’en d’autres époques, c’est probable, encore que depuis le temps qu’on parle «des églises qui se vident», on ne devrait plus y voir personne, ce qui est loin d’être le cas! Quoi qu’il en soit, la région existe bien moins encore que les paroisses et le fait qu’elle soit plus grande n’augmente pas sa substance, la dilue plutôt dans une étendue en général mal cernée par les fidèles et peu significative pour eux.

La position du Conseil d’Etat nous paraît la plus conforme à la réalité. Elle ne règle pas complètement le problème de la concurrence entre les paroisses et les régions, qui tient à une définition trop vague de leurs relations – affaire interne à l’Eglise –, mais elle indique la seule direction envisageable: la différenciation des statuts. A l’inverse, si l’on opte pour une vision égalitaire, soit qu’on supprime la personnalité morale des paroisses, soit qu’on l’accorde aussi aux régions, on conserve durablement une source de conflit à l’intérieur de l’Eglise.

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