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Les choses commencent à bouger

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1783 28 avril 2006
En automne 2004, le parti radical, constatant qu’il continuait de perdre des sièges malgré ses «renouveaux» successifs, décidait de se refaire une santé électorale sur le dos de la compétence cantonale en matière de formation. A cet effet, il conçut une initiative pour unifier sur le plan suisse l’âge d’entrée à l’école, les objectifs scolaires, le matériel d’enseignement et les méthodes d’évaluation. Unifier le matériel d’enseignement dans une confédération quadrilingue, il fallait y penser! C’est ce qu’ils appellent «redevenir un groupe propositionnel».

D’autres partis trouvèrent que c’était une bonne idée et, finalement, les larrons de toutes tendances qui hantent le Palais fédéral conçurent, sous la forme informe d’un immense fourre-tout, la spoliation fédérale d’une des dernières prérogatives cantonales d’importance. L’affaire fut bouclée en six mois, sans débat, presque sans opposition, le projet fut accepté en votation finale par le législatif fédéral le 16 décembre 2005 et la date du vote fixée au 21 mai 2006. On y arrive…

Cette opération est une indignité sur la forme et sur le fond, contraire aussi bien à la loyauté confédérale qu’à l’avenir de la formation en Suisse.

Sur le fond, on l’a vu lors de leur conférence de presse, les partisans se contentent de répéter leurs slogans, sur la mobilité, qui sera extraordinaire, sur la qualité, qui sera fantastique, sur la perméabilité qui sera aussi bien horizontale que verticale et oblique. Ils tentent d’amadouer le peuple par d’écoeurantes banalités sur les bienfaits de leur prétendue harmonisation.

En revanche, ils sont sensiblement moins bavards sur les aspects institutionnels. Quand ils sont contraints d’en parler, ils se font tout petits et relativisent: il ne s’agit que d’une unification minimale, les cantons conserveront toute leur souveraineté, la Confédération n’interviendra qu’en dernière extrémité – d’ailleurs, elle ne sera pas forcée de le faire –, les cantons continueront d’avoir toute latitude pour conduire leur politique propre, etc.

On verra au contraire, lisant l’argumentaire encarté dans ce numéro, que les cantons sont cernés par un triple dispositif de centralisation, le plus important qui ait jamais menacé leur autonomie. On verra que deux des mécanismes de ce dispositif n’ont encore jamais été utilisés et que l’un d’entre eux – les organes communs – est même une nouveauté.

La portée révolutionnaire de cette nouveauté a, jusqu’aujourd’hui, échappé à l’attention de la plupart des commentateurs. C’est d’ailleurs un scandale qu’elle ait pris place dans une disposition destinée à un domaine précis – la formation – et n’ait pas fait en tant que telle l’objet d’un débat institutionnel.

On verra encore que l’harmonisation attendue annonce en réalité un désordre scolaire sans précédent. On verra enfin que les textes sont ainsi faits qu’ils annoncent la suite, une suite d’ailleurs d’ores et déjà prévue et voulue par les socialistes et les radicaux, sous la forme notamment d’un grand Département fédéral de la formation.

Sur la forme, on sait d’expérience qu’il est toujours difficile, même pour les habitués, de se faire une représentation exacte de ce qu’annonce un nouveau texte législatif, de sa portée exacte et de ses conséquences. La difficulté est décuplée quand il s’agit, comme ici, d’un paquet groupant toute une série de modifications constitutionnelles. Notre argumentaire est le résultat d’un travail que plusieurs personnes averties ont conduit au pas de charge depuis décembre 2005. On en a eu quelques premiers aperçus lors de notre séminaire, puis dans les Nation qui ont suivi. Ce n’est que ces derniers jours qu’il a été conduit à chef… et sans doute est-il encore incomplet: chaque fois qu’on regarde sous le paquet, on y voit grouiller de nouvelles blattes et des coîtrons inattendus. Comment veut-on que l’électeur normal, forcément moins attentif, puisse se faire une idée sérieuse et approfondie en si peu de temps? Mais précisément, on ne veut pas qu’il se fasse une idée, l’électeur. On veut le prendre à froid et obtenir de sa part un vote de somnambule. Il y a une forme de mépris du peuple et du référendum populaire spécifique aux parlements. Elle a pris sa pleine ampleur à cette occasion.

Le travail inlassable qu’un certain nombre de personnes accomplissent en Suisse romande, mais aussi en Suisse alémanique et au Tessin commence à porter ses fruits. La presse n’est en général pas très enthousiaste. La Liberté de Fribourg a même tiré de jolis boulets dans la bonne direction. Un comité vaudois a vu le jour, qui comprend des libéraux, des radicaux, des UDC et des personnalités horsparti. Un comité argovien est en voie de constitution. Le jour même où cette Nation aura été distribuée, le comité suisse d’opposition aura tenu sa conférence de presse à Berne. C’est tard, nous dira-t-on avec raison. Mais ce n’est pas nous qui avons choisi les conditions de l’affrontement. Il n’en faut pas moins se battre.

Nous adjurons nos lecteurs et amis de contribuer à cette campagne capitale en diffusant notre argumentaire aussi largement que possible, dans le Canton et au-delà.

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Au sommaire de cette même édition de La Nation:
  • Fédéralisme canin – Revue de presse, Ernest Jomini
  • Qui dit mieux? – Revue de presse, Ernest Jomini
  • Pénalophilie – Revue de presse, Philippe Ramelet
  • Le grand Louis – Ernest Jomini
  • Mme Savary n’a pas besoin de savoir pour faire des lois – Olivier Delacrétaz
  • Un peu d'écologie ne fait de mal à personne – Fabrice Triponez
  • Les médecins à Berne et ailleurs – Georges Perrin
  • La sous-hérésie – Pierre-François Vulliemin
  • Juvenilia LIX – Roberto Bernhardt
  • Juvenilia LX – Jean-Blaise Rochat
  • Vocation – Jacques Perrin
  • On nous écrit: A propos des projets de lois ecclésiastiques – On nous écrit, Daniel Bovet
  • Sottise Academy – Jacques Perrin
  • Juvenilia LV – Olivier Delacrétaz
  • Hâte-toi lentement… et laisse-moi rouler! – Le Coin du Ronchon