Les «faiseurs de Suisses» sont toujours là
Voici la mésaventure d’un septuagénaire français, que nous appellerons M. Dupont, telle que 24 heures l’a présentée il y a quelque temps. M. Dupont vit en Suisse depuis plus de 37 ans. Il est au bénéfice d’un permis d’établissement. Il est fortuné. Sa femme est Suissesse. Ses trois enfants et ses huit petits-enfants résident dans notre pays.
M. Dupont a déposé une demande de naturalisation, auprès du Canton de Vaud, en 2018. En 2021 (quelle rapidité!), le Secrétariat fédéral aux migrations (SEM), qui délivre une autorisation initiale, refuse la demande. Pourquoi? M. Dupont, quatre ans auparavant, a été condamné pour excès de vitesse; il avait circulé à 80 km/h sur un tronçon habituellement autorisé à cette vitesse, mais momentanément limité à 40 km/h à cause de travaux; il fut puni d’une amende de 540 francs, d’une peine pécuniaire de 90 jours-amendes à 30 francs avec sursis, le délai d’épreuve étant de 3 ans.
M. Dupont a recouru au Tribunal administratif fédéral, qui vient de confirmer la décision du SEM. La loi est claire: après une condamnation de ce type, pas de naturalisation pendant le délai d’épreuve. Et il faudra même patienter encore trois ans de plus, à cause d’un prétendu délai de carence.
Dura lex, sed lex, dira-t-on. Mais les lois sont parfois abusives. M. Dupont a certes commis une infraction d’une certaine gravité. Mais les années ont passé. L’administration se permet de traîner, mais pour l’administré, l’horloge pénale n’a pas de merci. Quant au délai de carence qui s’ajoute au délai d’épreuve, selon le «manuel de la nationalité» utilisé par le SEM, nous sommes dubitatif, n’ayant pas trouvé de base légale; mais nous nous sommes probablement perdu dans le maquis des ordonnances fédérales.
Quoi qu’il en soit, ces règles sont manifestement disproportionnées. Leur rigidité ne tient pas compte de l’ensemble des circonstances et ligotent le juge, rabaissé au rang d’automate. Elles sont inspirées d’un esprit de méfiance cauteleuse envers l’étranger. A l’égard de l’étranger assimilé, la Suisse, sans brader le droit de cité, doit se montrer accueillante.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Pendant ce temps-là à Dorigny – Editorial, Félicien Monnier
- De quoi le féminisme est-il le nom? – Olivier Moos
- Le sexe des mots – Jean-Blaise Rochat
- D’une lutte à l’autre – Olivier Delacrétaz
- La liberté comme non-domination – Benjamin Ansermet
- La dérive idéologique de la HEP Vaud – Anonyme
- Wok·e: encore un péril jaune – Le Coin du Ronchon