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Bex abandonnée

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1788 bis 21 juillet 2006

Un requérant d’asile guinéen plusieurs fois débouté, condamné à l’emprisonnement à plusieurs reprises pour trafic de cocaïne, sort de prison le lundi 26 juin. Le soir même, il se fait expulser manu militari par un patron de bar bellerin chez qui il faisait scandale. Ouvrant sa mâchoire fracturée, on trouvera six boulettes de cocaïne. Pour couronner le tout, une vingtaine d’Africains, certains provenant de la FAREAS, viendront le soir même saccager le bar.

Avec six boulettes, le dealer risque au maximum six mois de prison. Ensuite, on le relâchera. Le renvoyer dans son pays? M. Jean-Luc Reymond, juge d’instruction de l’Est vaudois, déclare au Matin Dimanche du 2 juillet: «Admettons qu’on le mette dans un avion pour la Guinée-Bissau. Là-bas, les autorités ne le laisseront jamais descendre de l’avion s’il n’a pas de passeport.»

A Bex déjà, il y a à peine une année, des demandeurs d’asile avaient lancé une expédition punitive contre l’auteur d’inscriptions insultantes à l’égard des Africains. La presse s’était émue… le temps d’une émotion. Il n’en ira pas autrement des récents événements. D’ailleurs, on n’en parle déjà plus. La crainte diffuse qui empoisonne le quotidien des Bellerins n’intéresse les médias que dans la mesure où elle débouche sur des événements susceptibles de faire des titres. Qui parle d’Aigle, dont certaines rues sont désertées par les autochtones? Et de Vallorbe? Et de Vugelle?… Et nous ne savons cela que par quelques échos furtifs de la presse. On ignore tout de la réalité des autres communes contraintes par nos autorités d’héberger plus de requérants qu’elles n’en peuvent.

La situation dans laquelle les Bellerins se débattent a aussi des conséquences économiques. Quelle entreprise, quel magasin, quelle institution voudra encore s’installer dans la région? La politique actuelle tend à stériliser économiquement des villes, voire des régions entières, considérées comme insuffisamment sûres pour les personnes et les biens.

De plus, indépendamment de toute question de délinquance, nous assistons à la naissance d’une nouvelle société, si l’on ose parler de société en l’occurrence, où, sur un même territoire, coexistent toutes sortes de communautés nationales, ethniques ou religieuses, ghettos juxtaposés vivant en perpétuelle méfiance les uns à l’égard des autres et dont les occupants ne voient aucune nécessité à se conformer aux moeurs de la population d’origine, tout en revendiquant les mêmes droits. C’est ce qu’on appelle le «communautarisme». La nationalité devient une notion purement administrative, à l’exclusion de toute communauté d’histoire et de moeurs. C’est une politique réduite à la gestion administrative et matérielle des flux humains sur sol vaudois.

Nous dénonçons dans cette pratique un manque d’humanité inacceptable à l’égard de compatriotes dont nous acceptons, la bouche fermée par une mauvaise conscience mal placée, la désintégration du tissu social et économique.

Les autorités refusent de regarder la réalité en face. Nous souffrons d’une loi sur l’asile mauvaise dans son principe, en ce qu’elle fait du droit d’asile un droit individuel reconnu à tous les individus qui satisfont aux critères, quel que soit leur nombre, et sans seulement se préoccuper de nos capacités réelles d’accueil. Elle traite au cas par cas un mouvement migratoire de masse, d’où cet engorgement inévitable qui rend impossible toute assimilation et débouche sur l’apparition du tribalisme communautariste; d’où encore un retard croissant dans le traitement des dossiers, ce qui engendre autant de situations pénibles dont tirent argument ceux pour qui «tout renvoi est un renvoi de trop». La situation est encore aggravée par la signature de la Convention internationale de non-refoulement qui rend inexécutables nombre de décisions justifiées. Dans le Canton de Vaud, en plus, trop de décisions ne sont pas appliquées par crainte des milieux, ecclésiastiques ou non, de défense des requérants, qui savent culpabiliser les autorités sans trop se préoccuper de la situation réelle des communes et de leur aspiration à vivre dans la tranquillité.

Nous voterons en septembre sur deux lois, l’une sur l’asile et l’autre sur les étrangers. L’article de M. Klunge publié dans ce numéro examine ces lois et motive notre soutien, donné du bout des lèvres. Avouons que nous n’en attendons pas grand chose: on ne peut améliorer beaucoup une loi fondamentalement fausse. Il faut reprendre le problème sur le fond et refaire du droit d’asile une expression de la souveraineté d’un Etat, libre d’accueillir l’étranger qu’il veut sur son territoire.

Il appartient au Conseil fédéral de battre en brèche le principe du droit subjectif à l’asile, à tout le moins d’introduire dans ses critères celui des limites de nos capacités d’accueil, de réexaminer la Convention de non refoulement et de négocier avec les Etats qui, comme la Guinée-Bissau, refusent de recevoir leurs propres ressortissants sous des prétextes administratifs. Et il appartient au Conseil d’Etat vaudois d’appliquer la loi, d’empêcher à tout prix le communautarisme de s’étendre et d’alléger sans délai le fardeau de Bex et des autres communes placées dans la même situation.

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Au sommaire de cette même édition de La Nation:
  • Intégration et désintégration – Revue de presse, Philippe Ramelet
  • Les «523» – Revue de presse, Philippe Ramelet
  • Louis XVI, une nouvelle bibliographie (suite) – Georges Perrin
  • La Suisse, l'asile et les étrangers – Olivier Klunge
  • Quelle place pour l'histoire vaudoise à l'Université? – Antoine Rochat
  • Juvenilia LXVI – Jean-Blaise Rochat
  • Canal du Rhône au Rhin ressuscité? – Philibert Muret
  • Chronique sportive – Antoine Rochat
  • Insupportable – Le Coin du Ronchon