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Les Verts, la gauche, la droite

Jean-François Cavin
La Nation n° 1928 18 novembre 2011
Au lendemain des élections fédérales, 24 heures a interrogé Mme Adèle Thorens et M. Antonio Hodgers, conseillers nationaux Verts de Vaud et de Genève, sur le recul de leur parti (perte de cinq sièges et suffrages en diminution de 1,2% sur l’ensemble de la Suisse). Les élus écologistes, si l’on résume sommairement leur analyse, prétendent que leur parti présente un riche et bon programme, mais qu’il n’a «pas su le vendre»: langage trop abstrait, posture d’opposition alors que leurs idées triomphent, mais «difficulté à endosser des habits majoritaires» (majoritaires? tout de même…). Quant au programme, on y trouve toutes sortes de choses qui font très mode chic: l’écologie industrielle, l’agriculture durable, la qualité de vie basée sur le temps disponible, le «vivre mieux avec moins», la création de nouveaux métiers, la réinvention de l’organisation familiale. «Des choses très concrètes», affirme M. Hodgers; à ce stade, on demande à voir.

Les chefs des Verts historiques, en revanche, ne disent quasi rien de leur positionnement à gauche. Pourtant, leur relatif échec va de pair avec l’avancée spectaculaire des Verts’libéraux, qui se disent volontiers écologistes en matière d’environnement, mais de droite pour le reste. Il semble évident que ce langage a séduit une part notable de l’électorat sensible en priorité aux causes environnementales, mais nullement disposée à faire le jeu de la gauche collectiviste. Or les Verts pastèque semblent ignorer le phénomène. Tout juste concèdent-ils que l’émergence de ce nouveau parti crée «un beau gâchis» et constitue une des raisons pour lesquelles «ils n’ont pas pu progresser». Pour le reste, ces Verts’libéraux, «qu’on ne connaît pas encore assez (…), c’est le seul parti qui a été élu sans programme». Ce n’est visiblement pas l’entente cordiale avec ce concurrent qu’on snobe un peu; car l’écologie, c’est bien, mais les sièges, c’est mieux.

Il y aurait pourtant place pour une réflexion approfondie, de la part de Verts historiques, sur leur ancrage à gauche, qui ne semble pas correspondre à une nécessité profonde et qui n’existait pas à l’origine. En terre vaudoise du moins, les fondateurs du Mouvement, puis Groupement pour la protection de l’environnement (GPE), ancêtre des Verts, étaient des garçons de bonne famille, nullement rebelles aux usages bourgeois, mais doués d’une conscience morale aiguë acquise à la table familiale, ou au catéchisme, ou chez les scouts, et qui estimaient de leur devoir supérieur de laisser la Terre propre. Ils furent rejoints, la vague baba-cool aidant, par de braves camarades appréciant les sandales à lanières et la tomme de chèvre, rêvant d’un retour, loin des tracas de la ville et de la trépidance du monde moderne, à la frugalité des âges anciens. Le Club de Rome et son appel à la croissance zéro conféraient à ce nouveau romantisme une respectabilité académique. Dans cette vision rétrograde – à l’aune du combat contre la pauvreté et pour l’accès généralisé au confort matériel –, rien qui ressemble à l’avenir radieux de la gauche progressiste! Aujourd’hui encore, même chez certains Verts d’obédience gauchiste, le refus de toute intervention transgressive dans l’ordre de la Nature, la culture du renoncement, le «mieux avec moins» sont plus proches d’un ascétisme religieux quasi fondamentaliste que de la lutte pour une progression de la société vers l’aisance pour tous.

A quoi tint le virage à gauche? Vu du Canton de Vaud, il y eut une bonne part d’opportunisme électoral dans la coalition qui permit au GPE d’obtenir un siège à la Municipalité de Lausanne, cette apparente péripétie devenant en réalité le début d’une alliance durable et qui s’est d’ailleurs produite ailleurs en Suisse. Il doit donc exister aussi d’autres facteurs de proximité: une méfiance commune envers l’économie privée, suspecte à la fois d’écraser les travailleurs et de mépriser l’environnement; un penchant semblable vers l’étatisme, car la protection du cadre naturel passe avant tout par des obligations légales, des ponctions fiscales et d’innombrables interdictions; peut-être aussi un goût partagé pour l’idéologie utopiste.

L’avenir dira si les Verts’libéraux échappent au collectivisme environnemental, ou du moins en limitent l’importance pour mieux faire appel à des solutions volontaires, ou négociées, ou à une politique d’incitations respectueuse de la liberté des personnes et des entreprises. On verra aussi s’ils se montrent réellement «de droite» sur les autres questions; pour l’heure, au Grand Conseil vaudois du moins, ils ont surtout pratiqué une politique de balance destinée à faire remarquer leur existence au milieu de l’hémicycle.

Quant aux Verts pastèque, loin de renier les liens gauchisants qui leur ont coûté une partie de leur électorat fédéral, ils les réaffirment au contraire en vue de l’élection complémentaire au Conseil d’Etat vaudois. Mme Anne Décosterd, députée Verte, dans un article de brave petit soldat paru dans 24 heures du 4 novembre, vante les mérites de Mme Béatrice Métraux, à la fois écologiste et socio-syndicaliste, candidate de la gauche unie; dans la foulée, elle condamne le PLR qui «vend son âme au diable en s’alliant avec Pierre-Yves Rapaz». Peut-être fait-on beaucoup d’honneur au député UDC de Bex en lui prêtant la puissance de Satan. Une chose est sûre: Mme Décosterd tait soigneusement que la candidate des Verts, elle, est soutenue par les marxistes du POP et de Gauche en mouvement; en fait de voisinage gênant, on fait difficilement mieux.

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