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Un référendum contre FATCA

Vincent Hort
La Nation n° 1972 26 juillet 2013

A peine le Conseil national avait-il rejeté l’entrée en matière sur le «non-accord» fiscal avec les États-Unis, au nom de la souveraineté de la Confédération, que la Commission de l’économie et des redevances de ce même Conseil national s’empressait de recommander l’approbation de l’accord FATCA qui vise à soumettre les intermédiaires financiers suisses au droit fiscal et pénal américain.

Il convient de bien distinguer le projet avorté de «Lex USA», qui était destiné à solder le passé, c’est-à-dire à régulariser les avoirs américains non déclarés déposés auprès des banques suisses, et la législation FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) qui constitue une nouvelle extension de l’extraterritorialité fiscale pratiquée de longue date par les États-Unis vis-à-vis du reste du monde.

Comme le reconnaît sans fard le Secrétariat d’État aux questions financières internationales, «FATCA vise à permettre aux États-Unis d’obtenir l’imposition de tous les comptes détenus à l’étranger par les personnes soumises à l’impôt aux États-Unis. Il s’agit d’une réglementation américaine unilatérale qui est valable pour tous les pays. FATCA exige que les institutions financières étrangères transmettent aux autorités fiscales américaines des informations relatives aux comptes américains ou à percevoir un impôt élevé. Les institutions financières qui n’appliquent pas FATCA n’auront plus accès au marché des capitaux américains et seront évitées par les établissements financiers qui travaillent dans le respect de FATCA. La mise en œuvre de FATCA entraîne, à l’échelle internationale, de lourdes charges administratives et financières pour les établissements financiers concernés».

Contrairement à d’autres pays qui acceptent l’échange automatique d’informations dans le domaine fiscal, la Suisse a négocié un modèle légèrement différent de l’application de l’accord FATCA dans lequel il appartiendrait aux établissements financiers de communiquer eux-mêmes aux autorités fiscales américaines les renseignements relatifs aux comptes de leurs clients américains, pour autant que ceux-ci aient formellement autorisé la transmission de leurs données. Si, par extraordinaire, tel n’était pas le cas, les États-Unis devraient alors recourir à l’assistance administrative afin d’obtenir les renseignements sur les clients américains récalcitrants. En théorie, ces clients conserveraient donc un droit de recours. Compte tenu des sanctions encourues par les établissements qui ne se conformeraient pas strictement à FATCA, cette possibilité apparaît en pratique hautement improbable.

A ce jour, un seul pays a rejeté FATCA et interdit à ses banques de l’appliquer. Il s’agit de la Chine, qui est aussi le premier créancier du gouvernement des États-Unis, lequel ne manquera pas de s’en souvenir au moment d’évincer les banques chinoises du marché des capitaux américain… Les fidèles alliés des États-Unis ne doivent par contre pas s’attendre à pareille mansuétude. Le Royaume Unis, l’Allemagne, la France (et quelques autres) ont d’ores et déjà accepté d’appliquer chez eux les nouvelles règles américaines.

FATCA s’avère à maints égards une législation unilatérale et exorbitante. Dans la perspective d’une probable ratification de cet accord par le Parlement fédéral, un comité référendaire est en voie de constitution. Parmi les nombreux motifs de refuser FATCA, les opposants relèvent notamment:

• La législation FATCA est contraire au principe usuel de la territorialité du droit dans le domaine fiscal et lui substitue une conception fondée sur la personnalité de la loi.

• L’accord FATCA viole l’ordre juridique suisse puisque l’article 2 du projet de loi d’application prévoit expressément que «les obligations des établissements financiers suisses envers l’IRS1 sont régies par la législation applicable aux États-Unis (…)», y compris ses évolutions ultérieures.

• La législation FATCA étend considérablement le cercle des US persons2 qui se trouveraient soumises au fisc américain. Il inclurait un nombre important de personnes ou de sociétés qui n’entretiennent pas de relations économiques avec les États-Unis (par exemple certains expatriés, des doubles nationaux ou les conjoints de US persons résidant hors du territoire américain, n’importe quelle société dont plus de 10% du capital est détenu par une US person, etc.). A défaut d’accepter une véritable «mise à nu» devant le fisc américain, ces personnes courent le risque de se trouver criminalisées au regard du droit américain. FATCA se révèle ainsi un instrument inquisitorial de surveillance des individus.

• La mise en œuvre administrative de la législation FATCA provoquerait des charges financières disproportionnées pour les banques qui devraient s’y soumettre. Pour les petits établissements bancaires en particulier – peu ou pas concernés par la problématique de la clientèle américaine – le coût administratif serait sans commune mesure avec l’impôt que pourrait espérer percevoir le fisc américain, entraînant une perte de compétitivité et des suppressions d’emplois.

Plus globalement, le comité référendaire observe que le secret bancaire – qui est l’objet d’attaques permanentes de la part des partenaires commerciaux de la Suisse – n’a, à ce jour, donné lieu à aucun véritable débat populaire. Au-delà de la question de l’accord lui-même, le référendum contre FATCA permettrait aux citoyens de se déterminer sur les positions adoptées par le Conseil fédéral dans ce domaine.

La Ligue vaudoise soutiendra le référendum contre FATCA.

Notes:

1 IRS: Internal Revenue Service, le fisc américain

2 US persons: Terme général désignant les personnes physiques ou les entités assujetties au fisc américain en fonction des règles américaines.

 

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