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Les allocations familiales font partie du revenu

Pierre-Gabriel Bieri
La Nation n° 2010 23 janvier 2015

Fidèle à son thème favori, le Parti démocrate chrétien a déposé fin 2012 une initiative populaire intitulée: «Aider les familles! Pour des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle exonérées de l’impôt.» La votation interviendra le 8 mars prochain.

Le texte de l’initiative, fort concis, demande d’ajouter à l’article 116 alinéa 2 de la Constitution fédérale la phrase suivante: «Les allocations pour enfant et les allocations de formation professionnelle sont exonérées de l’impôt.»

L’argumentation des auteurs de l’initiative a elle aussi le mérite de la simplicité: «Sur les 5 milliards de francs environ que versent généralement les employeurs aux familles sous forme d’allocations, l’Etat en reprend immédiatement un cinquième. De l’argent qui revient aux familles et qui n’a jamais été destiné à l’Etat1

Les opposants institutionnels – en particulier les autres partis jaloux de ne pas avoir eux-mêmes lancé une telle proposition – répliquent en déplorant le milliard de francs que perdraient les recettes fiscales des collectivités publiques et en soulignant que les familles sont déjà aidées de diverses manières. A ces arguments assez terre-à-terre, les socialistes et le Conseil fédéral ajoutent celui de la frustration anti-riches: «Une exonération avantagerait essentiellement les familles avec des revenus élevés en raison de la progressivité de l’impôt alors que les familles avec des revenus inférieurs n’en bénéficieraient que dans une faible mesure, voire pas du tout.»2 Il faut une certaine dose de cynisme pour utiliser ce prétexte, sachant que c’est précisément la gauche qui revendique la forte progressivité de l’impôt et la totale exonération d’une tranche importante de contribuables modestes: comment s’étonner ensuite que tout allègement de la charge fiscale profite à ceux qui en supportent l’essentiel?

Si l’on veut bien se donner la peine d’examiner la question rationnellement, on arrive à la conclusion que cette initiative doit être rejetée pour une raison différente, qui relève de la logique fiscale. Les allocations familiales sont en effet des compléments de salaires payés par les employeurs. Même si la gauche s’est désormais octroyé le droit d’en fixer le montant minimum, ces allocations restent un revenu et non une aide publique. Elles doivent donc être imposées au même titre que le reste du revenu, puisqu’elles sont de même nature. Le salaire courant n’a jamais été destiné à l’Etat – pour paraphraser l’argument du PDC –, mais cela n’empêche pas qu’il soit soumis à l’impôt.

Sur le plan politique, traiter les allocations familiales de manière distincte les éloignerait du monde du travail pour amorcer leur transformation en aides sociales. C’est ce que la gauche recherche assidûment, et cela n’est pas souhaitable.

Sur le plan fiscal, la fixation de taux modérés pour l’ensemble des contribuables est préférable à une jungle inextricable de déductions accumulées au gré des clientélismes politiques, et qui constituent autant de distorsions anarchiques de l’équité fiscale. Il existe d’autres moyens d’encourager les familles, notamment avec le système du quotient familial.

Parce que nous croyons que le respect des principes est encore plus important que le montant figurant sur un bordereau d’impôt, nous recommandons de voter NON.

 

Notes:

1 Communiqué du PDC du 15.01.2015.

2 Communiqué du Conseil fédéral du 23.10.2013.

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