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Le référendum des communes n’est pas un référendum populaire facilité

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 1794 29 septembre 2006
Le député communiste Jean-Paul Dudt, membre de la commission du Grand Conseil chargée de rapporter sur l’initiative La Parole aux Communes!, a déclaré à la presse(1): «Nous sommes contre une idée qui permettrait à moins de cent municipaux représentant moins de 2400 électeurs de lancer un référendum alors qu’il faut 12'000 citoyens pour un référendum populaire».

On sait que le «centralisme démocratique» cher aux communistes dénie toute forme d’autonomie aux communautés intermédiaires. Il serait même plus juste de dire qu’au nom de l’égalité, le communisme n’accepte aucune forme de communauté, ni intermédiaire, ni familiale, ni nationale. Le communiste conçoit le monde comme une somme d’individus, une masse emmenée vers l’avenir radieux par le Parti, avant-garde inspirée du prolétariat. Au communiste, acquis par principe à la suppression de toute forme de frontière, un renforcement des communes vaudoises apparaîtrait comme un recul de l’Histoire, laquelle traîne bien assez les bottes sans qu’il soit besoin d’en rajouter. Ce que le communiste veut, c’est que le Canton forme un seul arrondissement, la Suisse un seul canton, et le monde un seul Etat… communiste. Le refus de M. Dudt est fondé sur une idéologie qui a prouvé durant trois générations sa sanglante inefficacité, mais il est cohérent, idéologiquement parlant.

Nous avons plus de peine à accepter que certains politiciens dits «bourgeois», censés conserver un minimum de relations avec la réalité, puissent reprendre l’argument de M. Dudt à leur compte. Il y a là de leur part un malentendu, plus ou moins volontaire, qui consiste à faire comme si le référendum des communes était un artifice institutionnel n’ayant d’autre raison d’être que de contourner l’exigence des 12'000 signatures du référendum populaire.

Or, la différence fondamentale entre les deux sortes de référendum interdit cette interprétation: pour le référendum populaire, l’unité de vote, l’«unité référendaire», si l’on ose dire, c’est le citoyen, alors que pour le référendum des communes c’est, comme son nom l’indique, la commune elle-même. C’est la commune, non comme regroupement d’un certain nombre de citoyens que la municipalité «représenterait», mais comme unité politique spécifique, autonome, pourvue de responsabilités propres, de tâches et de droits. C’est à cette entité politique, indépendamment du nombre de ses citoyens, et comme expression complémentaire de son autonomie, que l’initiative veut accorder le droit de demander, au côté de trente-huit autres de ses semblables, qu’une loi ou un décret cantonal soit soumis au vote des Vaudois.

Ce système avantage les communes faiblement peuplées et crée une inégalité entre les citoyens? Remarquons d’abord que la démographie n’est pas le seul critère de l’importance d’une commune: l’étendue du territoire (Arzier-le-Muids, deux mille habitants, est plus vaste que Lausanne) joue aussi un rôle, comme la proximité des grands centres, le patrimoine mobilier et immobilier, ou la capacité contributive des habitants, sans même parler de l’une ou l’autre personnalité marquante capable de décupler l’influence d’une commune.

Mais on peut aussi inverser le raisonnement: pourquoi une commune pauvre, faiblement peuplée, périphérique et d’accès difficile ne jouirait-elle pas elle aussi d’un droit qui affirme, aux côtés d’autres communes plus avantagées, sa pleine réalité politique?

En réalité, si l’on met à part la capitale et les onze autres communes vaudoises de plus de 10'000 habitants (2), les communes sont assez semblables quant à leurs intérêts et leurs soucis. Il n’est donc pas déraisonnable que le référendum des communes les place sur le même pied en leur donnant à chacune un droit d’égale valeur.

C’est vrai que le système proposé est plus intéressant pour les petites communes que pour les grandes. Mais les grandes ont quant à elles, de par leur poids démographique, d’autres moyens de faire valoir leurs intérêts et leurs soucis. Lausanne, dont le syndic a beau jeu de prendre de haut les problèmes des petites communes, peut à elle seule récolter suffisamment de voix pour déposer un référendum populaire.

La question n’est donc pas de savoir si une municipalité représente peu ou beaucoup de citoyens, mais si les intérêts matériels et politiques dont elle a la responsabilité lui donnent un droit propre d’en appeler au peuple quand ces intérêts sont menacés par une loi ou une décision cantonale.

L’argument du «référendum demandé par moins de cent personnes» est un sophisme qui ne trompe que ceux qui désirent être trompés. Ceux qui y recourent, faute de mieux, manifestent la faiblesse de leur position.


NOTES:

1) 24 heures du 14 août, p. 17.

2) Outre Lausanne, Ecublens, Gland, Montreux, Morges, Nyon, Prilly, Pully, Renens, La Tourde-Peilz, Vevey, Yverdon-les-Bains. Ces douze villes forment un groupe spécifique dans l’organigramme de l’Union des communes vaudoises.

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