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Ecrits afghans de Langendorf

Jean-François CavinLa page littéraire
La Nation n° 1894 30 juillet 2010
Au gré de son humeur, Jean-Jacques Langendorf nous promène à travers les siècles et les continents. Les voyages dans le temps, c’est l’oeuvre de l’historien attentif aux lignes de force de la géopolitique et au destin des grands soldats. Les dépaysements, c’est le sortilège de l’écrivain qui nous conduit de la Prusse à Istanboul, de la Vienne impériale à Zanzibar nid d’espions, avec de fécondes haltes au Proche-Orient; tout cela épicé d’un certain goût de l’exotisme vénéneux et des odyssées héroïques.

Avec ses Ecrits afghans, Langendorf nous transporte dans un pays de montagnes, de rocailles et de gorges au fil de trois récits. Il s’agit de la réédition de pages méconnues, publiées la première fois en 1973 et 1980, qui ont toutes trait à l’Afghanistan mais ne relèvent pas du même genre littéraire.

Le recueil d’une huitantaine de pages s’ouvre sur une nouvelle – ou un journal de voyage? On ne sait trop, en effet, si l’auteur, qui s’y met en scène, a vécu tous les épisodes d’une longue et épuisante marche, tantôt pittoresque, tantôt terrible, tantôt onirique, à la découverte du Minaret de Jam (c’est l’un des titres de la nouvelle), qui est aussi une vaine tentative d’oublier un amour blessé pour la douce Elisabella: But where is the sweet, sweet Elisabella gone? (c’est le second titre).

Les deux autres écrits traitent d’histoire militaire. L’expédition d’Oskar Niedermayer en Afghanistan décrit l’étonnante tentative allemande, accomplie en 1915-1917 sous les ordres d’un officier de 30 ans, de créer le trouble et de dresser les Afghans contre les Anglais pour inquiéter ceux-ci sur le front nord des Indes. Cette action de haut vol présentait quelque analogie avec la geste de Lawrence d’Arabie sur un autre théâtre d’opérations. L’expédition allemande, toutefois, dotée de moyens dérisoires, n’atteignit pas son but politique; Niedermayer poursuivra seul, quelque temps, une sorte d’errance hallucinée.

Une autre étude évoque un plan russe d’invasion de l’Afghanistan, élaboré en… 1898 par Vladimir Timotéevitch Lebedev, officier des grenadiers de la garde impériale, visant à décloisonner la Russie vers le sud et, comme toujours, faciliter l’accès aux mers chaudes. Il s’agissait d’un plan soigné, réaliste et détaillé, qui ne taisait pas les difficultés de l’entreprise: En général, écrit lebedev, la conduite de la guerre dans le cas d’un pays pauvre, encombré de rudes montagnes, avec des populations guerrières, toujours prêtes par leur caractère et leur genre de vie à défendre obstinément leur indépendance, n’est pas chose facile. Les Soviétiques il y a trente ans, les Américains aujourd’hui ont-ils assez lu Lebedev?

Voilà donc des histoires de stratèges visionnaires et d’aventuriers baroudeurs, où l’on voit d’impressionnants soldats européens devenir des seigneurs de la guerre et se faire nommer pachas. L’ouvrage se termine justement, sous le titre Langendorf pacha, par un portrait de l’auteur excellemment brossé par Laurent Schang. A la fois féru de l’histoire la plus documentée et porté vers un imaginaire baroque et truculent, à la fois libertaire et réactionnaire, Langendorf méritait bien de voir son effigie accrochée à son tour dans la galerie des fiers fantasques qu’il a puissamment contribué à constituer.

[Jean-Jacques Langendorf, Ecrits afghans, Editions Antipodos + Le Polémarque, Commercy( F), 2010.]

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