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Eloge du droit des peuples à aménager eux-mêmes leur territoire

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 1960 8 février 2013

Un esprit sainement réactionnaire ne peut pas ne pas aimer la Pologne. Les églises y sont nombreuses et pleines, les drapeaux nationaux omniprésents et ornés d’aigles, les écologistes rares et peu aimés.

Ce dernier constat vient d’être confirmé par La Revue durable – magazine suisse romand de la mouvance verte intégriste – qui consacre un numéro entier à l’écologie en Pologne, décrivant avec un mélange d’indignation et de pitié un pays où les gens ne croient pas au réchauffement climatique, où le gouvernement mise sur le nucléaire et le gaz de schiste, où l’on construit de nouveaux quartiers d’habitation et de nouvelles routes, où l’on exploite les forêts, un pays où la population se réjouit d’une croissance rapide et où de puissants lobbies et des autorités locales bornées freinent les reconversions écologiques, bref, un pays où le communisme, malgré tout, était peut-être moins mauvais que le capitalisme.

Le piège, avec le totalitarisme, c’est qu’il s’appuie sur certains sentiments naturels, sur certaines aspirations légitimes, voire sur certaines causes défendables que l’on serait prêt à partager. Il est juste de penser, par exemple, que le communisme a paradoxalement protégé l’Europe de l’Est d’une modernité délétère: plus qu’ailleurs, les gens y sont restés attachés à la nation, à la religion, aux mœurs normales et aux réflexes traditionnels. Pour parler de sujets qui plaisent visiblement mieux aux rédacteurs de La Revue durable, admettons qu’on est volontiers fasciné à l’idée que subsiste en Pologne orientale, aux confins de la Biélorussie, loin à l’Est de la «vieille Europe» de Raspail, l’une des dernières forêts vierges du continent. On ne peut s’empêcher de contempler avec admiration et envie, sur une carte de géographie, cette vaste étendue où aucun politicien démocrate n’a jamais mis les pieds ni ses promesses électorales. Plus simplement, on ne se prive pas d’admirer les photos de ces vieux arbres énormes; on apprécie aussi cette idée, citée dans l’article, que la préservation de cette forêt répondrait certes à un besoin de recherche scientifique, mais aussi et d’abord à un attachement sentimental.

Alors quoi? Devient-on un intégriste vert pour autant? La Revue durable se charge de nous rassurer sur ce point: non, on n’est pas comme eux! Pour les écologistes purs et durs, la forêt de Bia?owie?a n’est qu’un prétexte. Une icône révolutionnaire. Ses défenseurs se conçoivent comme les derniers Justes face aux scélérats sournois et cupides de l’économie privée et du gouvernement. Leur combat est toujours urgent car l’Apocalypse est proche et les pertes seront irremplaçables. Manichéisme, catastrophisme, mais aussi propension à considérer la Terre entière comme leur propriété: si les habitants d’un pays, d’une région ou d’une commune n’obtempèrent pas à tous les désidératas des écologistes, ces derniers organisent la venue de militants étrangers qui viennent faire pression, participer à des manifestations, donner des conseils de guérilla, s’enchaîner à n’importe quoi devant des caméras complaisantes et créer d’innombrables groupuscules aux noms variés pour donner l’impression d’une vaste et puissante coalition.

On retrouve toujours cette volonté d’écarter les populations locales, arriérées, mues par des intérêts bassement matériels et égoïstes. A la place, il faut faire venir des «experts», des «scientifiques» – soigneusement choisis bien sûr. Comme quand les écologistes de chez nous expliquent qu’on ne peut pas laisser les Valaisans faire ce qu’ils veulent sur leur territoire et qu’il faut leur imposer les choix forcément justes et éclairés de la Berne fédérale.

L’aménagement du territoire, justement, fait l’objet d’un autre article de ce numéro «spécial Pologne» de La Revue durable. Le développement des routes, des villes, tout y est présenté comme une apocalypse. Or un des charmes de l’Est est précisément ce dynamisme, parfois un peu brouillon et inesthétique, mais qui exprime la volonté des habitants de vivre et de créer quelque chose; c’est tout de même beaucoup plus stimulant que la prison de formol protecteur dans laquelle s’enferme un Occident neurasthénique dont la seule ambition semble être de mourir sans laisser de traces afin de ne pas déranger quelques espèces de papillons.

Amis lecteurs, ne vous y trompez pas: l’aménagement du territoire n’est pas que l’aménagement du territoire, mais aussi et surtout un formidable enjeu de pouvoir, omniraflant, pour les écologistes totalitaires, pour les technocrates-géographes qui rêvent de vous déplacer comme des pièces de puzzle, pour les cyclistes militants et arrogants, pour les va-nu-pieds soixante- huitards à tignasses tressées, pour les citoyens du monde anti-racistes, pour les végétaliens anémiques dont l’horizon indépassable consiste à cultiver collectivement des légumes bio en pleine ville. Nos aménagistes fédéraux qui, à Berne, attendent qu’on leur donne officiellement les pleins pouvoirs sont de cette espèce-là (même si, paraît-il, ils se déplacent volontiers en gros 4x4). Leur laisser la bride sur le cou pour façonner notre Pays à leur guise serait une catastrophe. Votez et faites voter NON à la révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire!

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