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«Y en a point comme nous»

Antoine Rochat
La Nation n° 2035 8 janvier 2016

La fameuse chanson de Gilles a donné son nom à une exposition et à un livre, qui s’interrogent tous deux sur l’identité vaudoise. Il vaut la peine de s’y arrêter.

 

La chanson de Gilles

Peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Jean Villard-Gilles a écrit une merveilleuse chanson sur les Vaudois de son époque, dont le titre est plein d’ironie, comme le prouve ce couplet:

Le Vaudois volontiers professe

Cet axiome énergiquement

C’est même là-dedans et ça m’ennuie

Qu’il dépense toute son énergie

En affirmant, saoul ou pas saoul,

Y en a point, y en a point comme nous!

Gilles a créé cette chanson en 1947, dans le fameux cabaret lausannois Le Coup de Soleil, accompagné au piano et au chant par Edith Burger, disparue en 1948. Il l’a reprise ensuite avec Albert Urfer.

 

L’exposition

Le Musée romain de Lausanne-Vidy consacre une exposition temporaire (à voir jusqu’au 14 février 2016) qui dresse, de manière ludique et souvent humoristique, un portrait des Vaudois d’aujourd’hui.

Le caractère de ce qui est vaudois est défini sous le néologisme de «vaudoisitude». Trente personnalités actuelles ont été interrogées par les promoteurs de l’exposition, qui leur ont posé cinq questions identiques, leur ont demandé de choisir un objet et deux personnes emblématiques du Canton.

De Bastian Baker à Josef Zisyadis, en passant par Olivier Delacrétaz, Nuria Gorrite ou Guy Parmelin, les trente personnalités dégagent quelques traits communs du caractère vaudois. Les dix termes les plus souvent cités sont, dans l’ordre décroissant: rétif au conflit, bon vivant, terre à terre, méfiant, fier, drôle, discipliné, réservé, ouvert, modeste.

A notre avis, l’objet vaudois le plus insolite est celui proposé par le dessinateur Raymond Burki, à savoir un support à vacherin, prévu pour que le fromage entamé coule selon la bonne inclinaison!

Les cinq personnages emblématiques du Canton les plus souvent cités sont tous décédés: le major Davel, le général Guisan, Ramuz, Gilles et Delamuraz, dans l’ordre chronologique.

Une salle contient des vitrines dont les objets sont décrits par des expressions vaudoises: «Un modzon avec un toupin regardant passer le traclet» (un veau avec une cloche regardant passer le train), ou «la pétufle du grimpion» (le ballon de Bertrand Piccard)!

Une autre vitrine évoque différents portraits des Vaudois, de Juste Olivier à l’Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud, en passant par les festivités du centenaire de 1903, les œuvres de Ramuz, les chansons de Gilles, sans oublier le Portrait des Vaudois de Jacques Chessex, paru en 1969 aux Cahiers de la Renaissance vaudoise.

 

Le livre

Sous le titre Y en a point comme nous, un portrait des Vaudois aujourd’hui, les éditions InFolio ont publié un beau livre de plus de 350 pages, richement illustré, qui est en même temps le catalogue de l’exposition précitée.

Rédigé par Séverine André et Laurent Flutsch, commissaires de l’exposition, l’ouvrage bénéficie d’une contribution de Bernadette Gross, relative au langage des Vaudois, agrémentée de vingt-cinq pages de vocabulaire vaudois, dont nous tirons le petit florilège suivant: aguiller, bobet, courate, dérupiter, épéclée, foutimasser, gâtion, manoille, nianiou, pottu, redzipet, schlagée, tire-moque.

Le livre résume les entretiens réalisés avec les trente personnalités mentionnées ci-dessus à propos de l’exposition. Les propos du brigadier Denis Froidevaux, sur la question des menaces sur l’avenir de la «vaudoisitude» méritent la citation:

En tout cas, la menace ne vient pas de l’extérieur, au sens international. Elle vient plutôt de Berne, du système central qui veut toujours plus vider le fédéralisme de sa substance. C’est assez préoccupant car la Suisse […] s’est construite du bas vers le haut: ce sont les cantons qui ont cédé quelque chose pour qu’un Etat fédéral existe, non l’inverse.

 

L’identité vaudoise

La question principale posée par le livre de Mme André et de M. Flutsch, et par l’exposition temporaire du

Musée romain, est celle de l’identité vaudoise: «Existe-t-il une vaudoisitude aujourd’hui? Si oui, sous quelles formes?»

La réponse, tout en nuances, est positive: même si elle évolue au fil du temps, il existe une identité vaudoise, marquée par l’histoire (notamment la domination bernoise), la géographie (Vaud est un pays complet à lui seul) et la mentalité de ses habitants (amour du compromis, formalisme, capacité d’assimilation, sentiment d’appartenance commune, etc.).

Le livre et l’exposition mettent en évidence les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’identité vaudoise (globalisation, anglais, internet, immigration notamment), mais aussi les raisons qui poussent à l’optimisme: C’est que la vaudoisitude, telle qu’elle est revendiquée, conjugue des valeurs précieuses. Ce goût de prendre son temps, une certaine modestie, la malice, la tolérance, la convivialité, le pragmatisme, le sens du consensus sont à l’évidence des refuges bienvenus face aux craintes inspirées par la modernité.

 

Pour conclure

Si les questions liées à l’identité vaudoise vous intéressent, allez voir l’exposition au Musée romain de Vidy et lisez le livre Y en a point comme nous. Vous passerez de bons moments et vous découvrirez peut-être votre propre portrait au fil des vitrines et des pages.

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