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L’enracinement, une nécessité anthropologique

David Rouzeau
La Nation n° 2076 4 août 2017

Le Crépuscule des idoles progressistes de la philosophe française Bérénice Levet est utile aux souverainistes, car il propose des arguments montrant que leur vision de l’homme est la bonne. Par contraste, elle démontre que le soi-disant «progressisme» de la gauche et de son allié objectif, le capitalisme ultra-libéral, est une conception qui détruit les sociétés et les individus. Son livre va au-delà d’une analyse critique de nos sociétés occidentales mal-en-point, au plan moral et civilisationnel surtout, pour véritablement proposer des solutions qui peuvent être transposées aux autres nations.

La philosophe part ainsi des analyses d’Hannah Arendt et de Simone Weil au lendemain de la Seconde Guerre mondiale qui enjoignaient les populations européennes à refonder leurs identités nationales de manière forte et positive, dès lors qu’elles voulaient se donner un avenir de qualité. Ces appels ne furent pas entendus. On partit vers la construction d’une Union européenne cherchant à défaire les identités des peuples. On se soumit à l’empire américain et à sa culture matérialiste. On accepta une immigration qu’on fut incapable d’assimiler. On vécut dans un consumérisme et un matérialisme confortables et superficiels. On ne s’occupa pas ainsi de l’âme des peuples et des hommes. En outre, une grande partie de la jeunesse née après-guerre refusa d’hériter et par la suite de transmettre. Depuis cette fameuse date charnière de 1970, la culture et l’éducation furent cédées à la gauche. On aboutit alors à la situation actuelle où les individus sont relativement déracinés, «flottent» en quelque sorte, pensent être libres alors qu’ils se trouvent souvent plutôt vides et déboussolés dans des sociétés de plus en plus éclatées.

Bérénice Levet fonde la conception souverainiste et identitaire sur ce qu’elle nomme des besoins anthropologiques vitaux. Chaque homme a besoin d’être inscrit dans une histoire singulière pour pouvoir vivre le présent et se projeter vers l’avenir. «L’homme en son humanité» doit hériter pour ne pas être enfermé dans un présent superficiel. Le fait d’avoir intégré des mœurs, une culture, avec une langue, des références historiques, humanistes, artistiques – la littérature notamment – lui permet d’avoir une épaisseur, d’être solide, de se positionner librement dans le monde et, donc, de ne pas être l’objet docile des modes, des propagandes commerciales ou politiques qui cherchent à le manipuler et à le contrôler. Afin d’assurer cet enracinement, il faut que cette culture soit transmise aux nouvelles générations. C’est notamment la mission de l’école de transmettre la civilisation, de «fabriquer des citoyens français», ou pour l’adapter à notre pays, de fabriquer des citoyens vaudois et, plus largement, suisses. Cette mission a été abandonnée depuis cinquante ans, et il devient fondamental de refonder une école de la transmission pour permettre la perpétuation de notre civilisation. L’homme a besoin de continuité pour aller de l’avant de manière libre et créative. Appartenir à une communauté de destin lui permet d’être relié, et, sur la base de liens profonds, de se construire. Bérénice Levet plaide ainsi pour une anthropologie de l’homme enraciné et de la transmission. On voit à quel point elle est à mille lieues de la conception multiculturelle et mondialiste, d’une part des gauchistes qui prétendent vouloir vivre sans passé, sans liens, d’autre part des libéraux capitalistes qui ont tout intérêt à avoir un individu isolé, remplissant le vide de son existence par la consommation, manipulable, sans véritable esprit critique, incapable de résister, soumis, esclave moderne en quelque sorte.

Par rapport à l’immigration, le modèle prôné est clairement celui de l’assimilation qui fait que l’étranger abandonne peu à peu sa culture d’origine et adopte les mœurs du pays qui lui a offert l’hospitalité.

Pour que chaque homme puisse être relié à une nation, il faut que cette dernière soit préservée et défendue. Ainsi, Bérénice Levet prône l’établissement d’un droit des peuples à la continuité historique. Les peuples ont un droit éminent de persister dans leur être, et ce pour permettre de répondre au besoin anthropologique nécessaire de l’enracinement.

Une des techniques de l’idéologie bien-pensante libéralo-libertaire est de faire appel aux Droits de l’homme pour justifier n’importe quelle volonté individuelle ou communautaire indifférente aux valeurs et coutumes de la culture historique d’un pays. Cependant, un individu n’a pas tous les droits. Sa liberté trouve des limites certes avec les lois mais aussi par rapport aux valeurs de la culture du peuple auquel il est rattaché. Pour Levet, le communautarisme n’a pas lieu d’être.

Il faut être très à l’aise avec cette conception souverainiste et humaniste et ne plus craindre les bien-pensants modernistes qui la salissent et la diffament. Dans la définition de la nation n’entre aucun élément génétique ou racial, mais la seule adhésion à une communauté de destin et assimilation à une civilisation. Bérénice Levet se range aux côtés de Simone Weil qui a défendu l’idée d’un enracinement dans un peuple qui se ferait sans que le «nous» collectif écrase les «je» de chacun.

Ce beau livre sera un viatique et un bréviaire pour les humanistes souverainistes contemporains.

Référence:

Bérénice Levet, Le crépuscule des idoles progressistes, Editions Stock, 2017.

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