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Vers des paroisses dépouillées

Cédric Cossy
La Nation n° 2076 4 août 2017

Prédisant une pénurie tant financière que vocationnelle, le Conseil synodal a lancé ce printemps une consultation concernant les futures dotations de l’EERV. Les conseils et assemblées de paroisses, eux seuls apparemment, étaient ainsi invités à répondre en ligne à un questionnaire à choix multiple de plus de cent points1.

Force est de constater que la forme adoptée pour cette consultation est inadaptée au débat en assemblée ou en conseil. Cette forme de consultation technocratique méritait en soi une non entrée en matière, position d’ailleurs adoptée par certaines paroisses. Le questionnaire à choix multiple n’est ensuite pas une vraie consultation, puisqu’il ne permet que des réponses calibrées à des questions fermées et présélectionnées. On est bien loin de la fluidité et de l’ouverture prônées dans le Rapport non décisionnel pour le Synode concernant les dotations du mois de mars dernier.

Relevons la confusion ressentie à la lecture du questionnaire: quatorze «missions» décrites dans les blocs de questions 1 et 2, dix-sept «activités» dans les blocs de questions 5 et 6, recoupant partiellement les onze «tâches» de la question 7.2, elles-mêmes différentes des vingt «tâches» de la question 10, auxquelles on doit ajouter les dix-sept «prestations» cantonales ou régionales des questions 8 et 9. Il faut souligner l’hétérogénéité des listes, mélangeant des activités très précisément définies et quantifiables (prédication, visite des nouveaux habitants…) avec des concepts très nébuleux ou élastiques (gouvernance du lieu d’Eglise, planification des activités, activités de solidarité…). Bref, tout ceci apparaît comme peu inspiré et laisse l’impression d’un grand désordre technocratique. Le Christ, grand absent de ce questionnaire, n’y retrouverait pas ses Apôtres…

La lecture du Rapport non décisionnel pour le Synode concernant les dotations du 4 mars, tout comme celle du Rapport concernant Enfance, Jeunesse et Evangile du 16 juin n’apportent hélas pas plus de lumière sur les intentions du questionnaire. Les propositions de ces deux documents appellent à délaisser ce qui existe pour faire place à une réforme simultanée des structures et des missions de l’EERV. On pressent ici aussi un grand désordre qui va absorber l’énergie de ses membres à des restructurations internes au lieu de consacrer celle-ci à la diffusion des Evangiles au plus grand nombre.

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Quels sont les thèmes principaux de cette consultation? La première partie du questionnaire concerne les activités communes menées avec l’Eglise catholique romaine: aumôneries diverses, activités œcuméniques, etc.… Ces tâches échappant au contrôle des paroisses, pourquoi les consulter sur le sujet? Ou faut-il imaginer que certaines de ces tâches pourraient revenir aux paroisses?

S’ensuivent deux blocs de questions concernant les services cantonaux de l’EERV. La grille de réponse proposée (indispensable – utile – secondaire – superflu) ne permet aucune nuance. Un service cantonal peut s’avérer indispensable pour certaines activités, mais superflu pour d’autres, voire intrusif pour les paroisses. Ainsi, le service comptable de l’EERV est indispensable, mais la curiosité insistante qu’il porte aux avoirs immobiliers des paroisses est superflue et déplacée.

Les questions concernant «l’investissement de l’EERV» dans les paroisses et les régions ont un libellé équivoque: cette désignation couvre-t-elle uniquement les offices et services cantonaux ou au contraire l’intégralité de l’Eglise vaudoise, régions et paroisses comprises? Vu des paroisses, l’investissement de l’Eglise vaudoise prise dans son ensemble est trop faible dans de nombreux domaines: visites à domicile, formation des jeunes (éveil à la Foi et catéchisme), formation des adultes… La voie prise par l’EERV semblant privilégier le grand remue-méninge, ses forces vives vont au contraire s’épuiser en assemblées, colloques et autres restructurations administratives.

Afin de diffuser et vivre l’Evangile au mieux, pour quelles activités faudrait-il modifier l’engagement des ministres et des laïcs? L’implication des deux groupes mériterait d’être augmentée pour chacune des dix-sept activités mentionnées à la question 6. Mais, dans la logique de pénurie de ministres qui sous-tend la consultation, la seule conclusion qui peut en ressortir sera le besoin d’un engagement accru des laïcs, autrement dit un transfert de travail sur les paroisses et ses bénévoles.

La question 7.1 nous semble la plus importante puisqu’elle met ouvertement en cause le statut des paroisses. Que faut-il penser d’«une dotation régionale des forces ministérielles en fonction des activités dont sont chargés les lieux d’Eglise»? L’emploi de ce dernier terme, et non celui de «paroisses» n’est pas un lapsus, puisque le vocable se retrouve ailleurs dans le questionnaire. Ceci laisse présager des lieux d’églises (lesquels? le lieu de culte unique pour chaque paroisse proposé dans le Message du Conseil synodal à propose des cultes dominicaux du 4 avril dernier?), quémandant des forces ministérielles à la région. Dit autrement, les paroisses perdraient leur autonomie ecclésiastique au profit de régions.

L’avant-dernier bloc de questions aborde la répartition des tâches aux plus compétents entre ministres, laïcs et conseillers paroissiaux, et des compétences à démontrer pour assumer ces tâches. Ces interrogations nous semblent hors sujet en période de disette: à l’exception des actes ecclésiastiques, qui doivent rester réservés aux ministres, gardons un maximum de souplesse dans la répartition des tâches! Ce n’est pas en multipliant la liste des qualifications requises que les paroisses arriveront à motiver de nouveaux laïcs à s’engager dans la vie communautaire.

Passons enfin sur la dernière question, s’inquiétant de l’«état d’esprit» des organes paroissiaux au sujet des dotations.

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Impropre au débat, de compréhension difficile, et interprétée à la lumière des divers rapports et recommandations publiés ce début d’année par le Conseil synodal, la consultation en vue du rapport sur les dotations montre toutefois la tendance. Il semble que les jeux soient déjà faits: ce sont les régions qui devraient assumer la majorité des tâches, les paroisses gardant leur autonomie juridique, mais ne servant à terme qu’au recrutement des laïcs utiles à la région et au paiement de l’assiette ecclésiastique. Alors que l’on prétend à une église de proximité allant au-devant des gens là où ils sont, il faudra au contraire que les rares fidèles usent et abusent des transports pour pouvoir vivre leur Foi de manière communautaire.

Référence:

1  Quoique la consultation soit fermée depuis le 30 juin, le questionnaire est toujours accessible: https://docs.google.com/forms/d/e/1

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