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Questions ouvertes, questions fermées

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2106 28 septembre 2018

En mars de cette année, le Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud présentait au Synode son Rapport sur les dotations, c’est-à-dire sur la future répartition des forces ministérielles. Le Synode le refusa, manifestant son opposition à l’évolution centralisatrice et technocratique dont l’Eglise souffre depuis trop longtemps et que le Rapport aggravait encore. Trois mois après, deux motions confirmant cette opposition étaient acceptées par le Synode, contre l’avis du Conseil synodal. Et vendredi dernier, le Synode, réuni en session extraordinaire, examinait les rapports du Conseil synodal sur lesdites motions.

La première demandait que le Conseil synodal révise en profondeur le Rapport sur les dotations, notamment en y intégrant les résultats d’une consultation qui serait menée auprès des paroisses et des régions. En d’autres termes, la motion demandait qu’on réalise, dix-huit ans après le grand chambardement d’«Église à venir», l’évaluation en profondeur promise à l’époque pour 2006.

Dans son rapport sur la motion, le Conseil synodal campait sur ses positions. Désirant boucler le Rapport sur les dotations avant les élections générales de juin 2019, il proposait de ne procéder qu’à une «consultation restreinte» des paroisses et des régions, et uniquement sous la forme de «questions fermées». Ce n’était pas dans cet esprit que les motionnaires avaient travaillé. Le Synode refusa cette tentative de vider la motion de ce qui était, au fond, sa raison d’être. Il confirma sa volonté que toutes les paroisses et toutes les régions soient consultées et que la consultation repose sur des «questions ouvertes».

Questions ouvertes, questions fermées: le choix dépend de la nature et de la finalité de la consultation. Il dépend aussi du jugement que le questionneur porte sur le questionné.

La question ouverte place le questionneur et le questionné sur pied d’égalité. Elle part du principe que ce dernier est apte à aller au fond des choses, à réfléchir par lui-même et sur lui-même. C’est un risque: il faut admettre que sa réponse puisse être brève ou prolixe, ciblée ou imprécise, franche ou complaisante. De son côté, le questionneur s’oblige à une interprétation loyale et généreuse des réponses reçues.

La question fermée impose un choix limité de réponses. Il n’y a pas de discussion à proprement parler. On répond par oui ou par non. Ou bien on choisit entre trois ou quatre réponses entièrement rédigées. Le questionné n’est pas un interlocuteur, mais un individu lambda qui réagit aux questions comme un rat de laboratoire réagit aux stimuli infligés par le chercheur. Contrairement aux questions ouvertes, qui relèvent du dialogue ordinaire, de la bonne foi et du sens des proportions, les questions fermées laissent l’entier de la maîtrise au questionneur.

Dans les questions fermées, le travail essentiel est dans l’élaboration des questions. Il y faut un professionnel. Les réponses, en revanche, ne demandent pas de réflexion particulière au questionné, juste un peu de bonne volonté. Quant au dépouillement, c’est un travail principalement mécanique.

La question fermée est utile quand on veut établir des faits précis et qu’on a en face de soi une personne qui, pour un motif ou un autre, peine à collaborer. C’est le médecin face à un patient hypocondriaque ou légèrement désorganisé dans sa tête, c’est le policier ou le juge confronté à l’accusé qui brouille les pistes, c’est le parent essayant de savoir où son enfant a passé la soirée. A chaque fois, la question fermée vise à dégager la vérité, à la protéger contre les interférences, les mensonges, les oublis.

L’organisateur d’un sondage recourt lui aussi aux questions fermées. C’est justifié, puisqu’il attend des réponses destinées à prendre place dans un tableau statistique.

Enfin, un esprit machiavélique peut recourir aux questions fermées pour faire diversion et dissimuler une question essentielle sous des rafales de questions de détail posées dans l’urgence.

Quoi qu’il en soit, il serait inadéquat et même choquant de consulter les responsables paroissiaux et régionaux avec des questions fermées, c’est-à-dire sans leur donner l’occasion de présenter, outre leurs activités, collaborations et projets, des revendications, des critiques, des craintes et même des considérations générales.

Un questionnaire sous la forme de questions ouvertes exige un lourd travail de fond, non seulement pour préparer les questions, mais aussi pour rédiger les réponses, pour établir la synthèse finale et formuler les propositions concrètes de mise en œuvre. C’est sensiblement plus difficile et plus long qu’une série de questions fermées posées dans une perspective tracée d’avance. Cela fait que la commission ne pourra sans doute pas respecter les délais prévus. C’était en tout cas l’avis, exprimé après les débats de vendredi dernier, du «facilitateur» chargé de conduire les travaux de la commission. C’est ennuyeux, mais secondaire par rapport à l’enjeu.

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