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Nouvelle étape vers un Conseil de la magistrature

Antoine Rochat
La Nation n° 2154 31 juillet 2020

La Nation avait présenté il y a cinq ans les raisons qui militaient en faveur de la création d’un Conseil de la magistrature dans notre Canton1. Le Conseil d’Etat vient de mettre en consultation un «Avant-projet de loi sur le Conseil de la magistrature», accompagné d’un rapport explicatif d’une bonne vingtaine de pages2. Cette nouvelle étape du processus mérite un examen attentif.

Une votation populaire nécessaire

Pour introduire un Conseil vaudois de la magistrature, il faudra au préalable modifier la Constitution cantonale, ce qui implique obligatoirement une votation populaire. Il s’agirait de compléter les articles 107 et 135 (haute surveillance du Tribunal cantonal) et 131 (élection des juges cantonaux), et d’introduire un nouvel article 136a, dont la teneur serait la suivante:

1 Le Conseil de la magistrature assure la surveillance administrative et disciplinaire du Tribunal cantonal et du Ministère public.

2 Il rapporte au Grand Conseil sur son activité.

3 Pour le surplus, la loi fixe sa composition, son organisation et ses compétences.

Ces dispositions visent à donner une base constitutionnelle solide au futur Conseil de la magistrature et nous les soutiendrons, le moment venu.

L’avant-projet de loi

L’avant-projet de loi sur le Conseil de la magistrature comporte plus de cinquante articles. Il traite pour l’essentiel de la composition du Conseil, de son organisation, de ses compétences et de ses rapports avec les autres autorités.

Comme le dit le rapport explicatif du Conseil d’Etat (p. 8), le Conseil de la magistrature doit servir d’«organe-tampon» entre le Tribunal cantonal et le Grand Conseil. Le nouveau Conseil statuerait en première instance sur les cas disciplinaires, avec un recours possible au Tribunal neutre3. Il exercerait également la surveillance du Ministère public (qui dépend actuellement du Conseil d’Etat).

Nous présenterons plus en détail ci-après la composition du Conseil de la magistrature, ainsi que ses compétences dans la procédure de nomination des juges cantonaux.

Les membres du Conseil de la magistrature

Selon l’avant-projet de loi, le Conseil de la magistrature serait composé de neuf membres4, à savoir:

  • deux magistrats judiciaires proposés par la Cour plénière du Tribunal cantonal;
  • deux magistrats du Ministère public proposés par le collège des procureurs:
  • un avocat proposé par l’Ordre des avocats vaudois;
  • trois personnes proposées par la Commission de présentation du Grand Conseil;
  • un professeur proposé par la Faculté de droit de l’Université de Lausanne.

Les membres du Conseil de la magistrature seraient élus par le Grand Conseil, mais celui-ci n’aurait que le droit d’accepter ou de rejeter les propositions qui lui seraient faites5. La durée des mandats serait de cinq ans, renouvelable une fois, mais elle serait déconnectée de la législature politique.

La nomination des juges cantonaux

L’avant-projet de loi prévoit une double audition des candidats aux postes de juge cantonal, de Procureur général ou de ses adjoints: la première par le Conseil de la magistrature, qui évaluerait la formation, l’expérience professionnelle, les connaissances juridiques et techniques, et les qualités personnelles des candidats; la seconde par la Commission de présentation du Grand Conseil, qui procéderait à une évaluation politique des futurs juges. Ceux-ci seraient ensuite élus par le Grand Conseil.

En 2015, notre journal avait émis une préférence pour une élection des juges cantonaux par le Conseil de la magistrature, plutôt que par le Grand Conseil. Nous sommes toujours de cet avis, qui assurerait une plus grande indépendance des magistrats. Mais le système proposé par l’avant-projet a sans doute davantage de chances d’être admis sur le plan politique. Quoi qu’il en soit, le nouveau système permettrait de dépolitiser, en partie du moins, l’élection des juges cantonaux (aujourd’hui présentés par les partis politiques, et élus par le Grand Conseil sur les seules recommandations de sa Commission de présentation).

Conclusions

L’avant-projet de loi sur le Conseil de la magistrature va incontestablement dans le bon sens: il clarifie le système actuel, il renforce l’indépendance de la justice vaudoise et il assure un traitement équitable des magistrats en matière disciplinaire. Il pourrait même assurer à terme une amélioration de la qualité des juges cantonaux.

Nous attendons de voir ce qui ressortira de la consultation publique, puis des débats au Grand Conseil. Nous souhaitons vivement que le futur Conseil de la magistrature, et par ricochet la nomination des juges cantonaux et des procureurs, échappent le plus possible à l’influence des partis politiques.

Notes

1  Félicien Monnier, «Pour un Conseil de la magistrature», La Nation n° 2023 du 24 juillet 2015.

2  Disponible sur Internet à l’adresse www.vd.ch/toutes-les-actualites/consultations .

3  Cet organe existe déjà selon la loi vaudoise sur l’organisation judiciaire; il est composé de cinq membres nommés par le Grand Conseil et qui ne siègent pas au Tribunal cantonal.

4  L’avant-projet comprend deux variantes sur ce point, mais qui ne diffèrent que sur des points de détail.

5  Le système existe à l’échelon fédéral, pour l’élection du Président du Tribunal fédéral.

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