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Démocratie et inertie intellectuelle

Jacques Perrin
La Nation n° 2159 9 octobre 2020

Dans La Nation, nous faisons assez souvent la recension d’essais dont les auteurs se proclament de droite ou de gauche, à moins qu’ils ne se prétendent au-dessus des partis et aptes à dépasser une distinction surannée, mais qui tous sont indéfectiblement démocrates. Seule l’Action française fait exception, qui se réclame de la monarchie héréditaire.

La Nouvelle Droite et les populistes penchent vers la démocratie directe à la manière helvétique. Les gilets jaunes réclament le référendum d’initiative citoyenne (RIC). Une partie de l’extrême-gauche et des écologistes visent la démocratie participative ou délibérative, avide d’assemblées générales (AG) interminables où les chefs et les boomers de plus de cinquante ans ne doivent pas se faire remarquer. Une autre partie de l’extrême-gauche est allergique au débat et réserve la démocratie aux minorités indigénistes, animalistes et LGBT, la majorité n’ayant qu’à se soumettre ou disparaître.

Les partis traditionnels (socialistes, radicaux, libéraux) plaident pour la démocratie représentative, parfois contrebalancée, comme en Suisse, par la démocratie directe.

Les néolibéraux du style Macron, assez répandus en Europe, veulent conserver une démocratie représentative de façade où les leaders et leur suite composée d’experts, de chercheurs et de journalistes tentent d’affermir le consentement des masses à la mondialisation, en leur promettant l’abondance matérielle, la santé, la paix, et toute une gamme de divertissements. Ce consentement est fabriqué grâce à la mainmise de l’Etat sur l’éducation, l’enseignement et les services sociaux. Le néolibéralisme étatiste (sauf en économie) n’est jamais assez pédagogue et tente d’expliquer sa politique par tous les moyens de publicité et de propagande nécessaires à des masses incompétentes, trop grossières pour comprendre les subtilités du programme et la nécessité de garder le cap européen et/ou mondialiste. La propagande néolibérale progresse derrière le masque de la science, de l’expertise technique et de l’objectivité. Le mensonge et les fake news ne sont le fait que des populistes et des néofascistes. Comme le montre la situation française, le néolibéralisme actuel tourne au centralisme européen écrasant et à la démocratie autoritaire, quitte à calmer les foules par quelque «Grand Débat National» vite oublié.

Au fond, nous ne souhaitons pas un mal affreux à la démocratie, notamment directe, mais nous ne la révérons pas.

Notre vie de tous les jours se déroule au sein de petites communautés: la famille, les classes des écoles, les pompiers, l’armée, les équipes sportives, les entreprises, les hôpitaux, etc. Celles-ci sont souvent conflictuelles. Le consensus n’y règne pas toujours. On ne les gouverne pas selon la stricte théorie démocratique, loin de là. En cas de coup dur, de difficultés et de litiges, le chef, ou une personne sage et expérimentée de son entourage, décide. La démocratie fonctionne dans un petit espace pacifié, où les gens se connaissent, où les mœurs établies sont durables et solides, dans une cité grecque, un canton suisse, un petit état américain, une commune. Deux passages célèbres du Livre III du Contrat social de l’impeccable démocrate Rousseau nous le confirment: A prendre le terme dans la rigueur de l’acception, il n’a jamais existé de véritable démocratie, et il n’en existera jamais. Il est contre l’ordre naturel que le grand nombre gouverne et que le petit nombre soit gouverné […] S’il y avait un peuple de dieux (mais ni grecs ni romains, réd.), il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes.

A tous ceux qui veulent «réinventer» la démocratie, nous recommandons d’élargir leur champ d’investigation et de faire preuve de la mobilité d’esprit qu’ils préconisent. Il y a d’autres régimes possibles qui ont tous des qualités et des défauts, qui peuvent tous se décomposer à leur manière: l’oligarchie, l’aristocratie, la tyrannie, la monarchie.

L’important est de se demander quel régime, ou quel régime mixte (les diverses variétés de démocratie pouvant se subordonner à une autre espèce de régime), peut convenir à telle communauté historiquement et spatialement donnée. Ce n’est pas une question d’originalité ou de «créativité», mais de conformité à ce qui existe.

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