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La dépense et la démographie

Jean-François Cavin
La Nation n° 2159 9 octobre 2020

Le projet de budget vaudois pour 2021 prévoit une augmentation des dépenses courantes (sans les dépenses d’investissement) de 232 millions de francs, soit 2,3%. C’est ce que le Conseil d’Etat appelle «une croissance maîtrisée». Disons plutôt que l’Etat assure ainsi le confort de son administration, à défaut de contribuer à la santé de ses finances. Cela d’autant plus que le projet n’inclut aucune charge qui pourrait résulter d’une «deuxième vague» de l’épidémie «coronarienne» – ce qui est certes compréhensible vu l’incertitude, mais peut faire craindre une péjoration.

En revanche, les revenus n’augmentent que de 0,9%. Les recettes fiscales, affectées par une baisse d’un point du coefficient d’impôt décidée naguère et par le ralentissement économique de 2020 qui étiole les rentrées, devraient diminuer de 57 millions, soit 1% de ce poste. Il en résulte un déficit de 163 millions de francs, qui ne rompt juste pas le «petit équilibre» (sans l’amortissement des dépenses d’investissement), mais qui ne doit pas être pris à la légère après un exercice 2020 qui sera sans doute difficile.

Le confort dépensier se manifeste à peu près dans tous les domaines. Les mille et un ruisseaux par où s’écoule l’argent des contribuables restent largement irrigués, à coup de 2 millions supplémentaires par ci, de 12 millions par là, de 45 millions dans le social. Le rééquilibrage des rapports financiers entre l’Etat et les communes, à raison d’une première tranche de 40 millions, ne représente que 0,4% des dépenses totales. On constate donc que les charges courantes s’accroissent sans égard aux moyens disponibles, ni à l’inflation, nulle, ni à l’évolution démographique probable: l’augmentation de la population était inférieure à 1% ces dernières années et devrait être encore moindre actuellement.

Les dépenses de personnel sont en hausse de 2,5% (+350 postes), dont 223 postes dans l’enseignement primaire, secondaire et secondaire supérieur (sans l’Université et les autres hautes écoles). Cette augmentation est particulièrement surprenante, car la démographie scolaire est à la baisse depuis plusieurs années et il serait étonnant que la tendance s’inverse l’an prochain.

Voyons les chiffres de plus près. Les volées nées dans la dernière décennie du XXe siècle étaient de 10’000-11’000; celles de la première décennie du XXIe siècle, de 9’000-10’000; celles de la décennie finissante, de 8’000-9’000. D’après les données démographiques générales, le nombre d’élèves en âge de scolarité obligatoire et post-obligatoire, jusqu’au diplôme ou au baccalauréat, a diminué de quelque 1’300 entre 2019 et 2020. Une éventuelle augmentation de l’effectif des gymnasiens, les jeunes gens préférant rester sur les bancs d’école que d’entrer dans un métier en ces temps d’incertitude économique, pourrait porter sur quelques centaines d’individus seulement. Le Conseil d’Etat est donc prié d’expliquer pourquoi le nombre des enseignants augmente alors que celui des élèves diminue.

Le Grand Conseil se doit d’exercer une vigilance critique. L’assainissement des finances cantonales obtenu au cours d’une quinzaine d’années a été l’effet de la prospérité et donc de l’abondance des ressources fiscales, et nullement d’une politique de «maîtrise» de la dépense courante. Aujourd’hui, l’économie vacille; du côté des finances de l’Etat, on voit enfin que le roi est nu. Ne rentrons pas dans le cercle vicieux.

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