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L’énergie des Vaudois (2): qu’attendre de la Confédération?

Cédric Cossy
La Nation n° 2207 12 août 2022

Notre précédent article proposait un tour d’horizon des bases constitutionnelles de la politique énergétique, des réalités de la production et de la consommation suisses et des risques à court terme de pénurie. La politique énergétique étant d’abord une compétence fédérale, il s’agit de comprendre la direction prise par la Confédération. La stratégie énergétique du Canton fera l’objet d’un prochain article.

La Stratégie énergétique 2050, élaborée par les services de Mme Leuthard, a été acceptée en 2017 par le peuple suisse, les Vaudois la plébiscitant même à 73,5%. Elle s’appuie sur un triple credo: premièrement, le traumatisme de Fukushima (2011) a diabolisé le nucléaire et cette énergie doit être coûte que coûte abandonnée. Le marché de l’énergie, ensuite, doit être libéralisé: pour l’électricité, en particulier, les monopoles institutionnels doivent cesser, le petit consommateur devant être libre d’acheter son courant auprès de n’importe quel producteur européen. Troisièmement, il faut réduire les émissions de CO2.

La Stratégie énergétique 2050 définit quatre axes d’action pour atteindre ces buts. La promotion de l’efficience énergétique vient en premier: l’isolation des bâtiments, l’amélioration de l’efficacité des appareils devraient garantir les mêmes performances ou le même confort avec moins d’énergie. Pour rappel, l’art. 89 al.4 de la Constitution fédérale considère que les mesures […] qui touchent le bâtiment sont au premier chef du ressort des cantons. La taxe sur le CO2 est l’outil le plus apparent de ce volet: si sa portée incitative semble limitée, elle génère des produits qui doivent servir tant au financement des mesures de réduction de la consommation qu’au développement de sources renouvelables.

Le deuxième axe est précisément la promotion des énergies renouvelables. Les énergies solaire et éolienne, la géothermie, le bois ou autre biomasse doivent remplacer les énergies fossiles et, à terme, le nucléaire. La rétribution à prix coûtant dont ont bénéficié les pionniers du photovoltaïque est remplacée par un système d’aide à l’installation, pour permettre ensuite un rachat du courant au prix du marché. Cette évolution rend ce subventionnement compatible avec la volonté de libéralisation.

C’est grâce aux actions de ces deux premiers axes que la Suisse entend répondre aux engagements découlant de la signature de l’Accord de Paris en 2015: l’ambition de limiter le réchauffement à 2° C, au lieu des 4,8° C prévus par le GIEC si rien n’est entrepris, nécessite une réduction de 40% de nos émissions de CO2 d’ici 2030 (référence 1990). La Suisse n’en prend pas le chemin, le peuple ayant refusé la nouvelle loi sur le CO2 au printemps 2021.

Le troisième axe vise la sortie du nucléaire d’ici 2035. Mühleberg a cessé la production en 2019 et les autres centrales suivront progressivement. L’interdiction de construire de nouvelles installations est absolue, ne laissant aucune chance à de potentielles technologies plus propres. La Stratégie confédérale prévoyait des centrales à gaz pour se substituer temporairement au nucléaire, le temps de développer de nouvelles sources durables. Cette option semble aujourd’hui peu praticable au vu de la rareté du gaz sur le marché européen.

Le dernier axe prévoit de renforcer les réseaux électriques, qu’ils soient internes ou vers les pays limitrophes. Cette interconnexion plus dense est techniquement requise pour que la Suisse puisse participer pleinement au marché électrique européen. Corollairement, de meilleurs réseaux profiteront aux pays frontières, Italie en tête, qui fait transiter le courant acheté au Nord à travers la Suisse. La Stratégie 2050 tablait sur la signature rapide d’un accord bilatéral avec l’Union européenne sur les marchés de l’électricité. Mais le dossier est gelé depuis le retrait par la Confédération des négociations sur l’accord cadre. La Suisse se retrouve ainsi dans la désagréable situation de devoir adapter son réseau aux exigences techniques européennes, sans pour autant accéder de plein droit au marché de l’électricité ou bénéficier des clauses de solidarité régissant un éventuel rationnement sur le continent. Avec la possibilité de tirer la prise vers l’Italie, la Suisse dispose toutefois d’un atout pour négocier des contingents électriques avec l’Europe.

La souveraineté n’apparaît jamais comme un objectif majeur de la Stratégie énergétique 2050. L’autonomie n’est qu’un corollaire heureux au développement de sources renouvelables. La volonté de libéralisation prime, probablement par peur que la Suisse ne devienne un «îlot de cherté» énergétique en Europe. Ceci a conduit à décourager les investissements dans des installations indigènes, faute de rentabilité par rapport à des productions étrangères.

La situation du jour démontre que le libre accès aux marchés extérieurs n’est présentement pas d’une grande aide face à la pénurie. Celle-ci touche aussi les sources renouvelables, comme l’illustrent les difficultés récentes d’importation de pellets depuis la France. La gauche et les verts appellent à des mesures urgentes et dirigistes – comprenez fédérales – pour imposer la mise en service rapide de sources renouvelables. Mais cet appel restera un vœu pieux, la pénurie touchant aussi l’équipement nécessaire à cette transition écologique: la pompe à chaleur commandée aujourd’hui ne sera livrée qu’à prix d’or à la fin de l’hiver prochain. Encore faudra-t-il trouver un appareilleur libre pour l’installer.

La Confédération semble depuis peu accorder la priorité à l’approvisionnement sur la réduction de notre empreinte carbone. L’impact écologique dû au remplacement du gaz russe par du gaz de schiste américain est passé sous silence. La recommandation comminatoire de M. Parmelin de permuter les installations bicombustibles du gaz au mazout augmentera à performance équivalente les émissions de CO2 de 30%1. Dans cette perspective, la procédure accélérée et centralisée de permis pour de nouvelles installations hydrauliques et éoliennes sur sol suisse apparaît comme un sursaut tardif pour faire face à la pénurie plutôt qu’un pas vers la vertu écologique.

(à suivre)

Notes:

1    Va-t-on punir les entreprises qui, par l’usage de mazout, vont dépasser leurs engagements de réduction d’émissions de CO2?

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