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La Chine est-elle belliqueuse?

Jean-François Cavin
La Nation n° 2217 30 décembre 2022

Lors d’une rencontre organisée par Credit Suisse, M. Jean-Jacques de Dardel, ancien ambassadeur de Suisse qui fut en poste à Pékin jusqu’en 2019, s’est exprimé sur la situation de la Chine et sur sa place dans les relations internationales. Observateur impartial de ce pays, il en discerne les forces et les faiblesses; il ne nie pas que le président Xi Jinping soit un autocrate, mais se garde de le diaboliser et pense que son autorité, contestée marginalement ces temps-ci, reste bien assise; et il considère que les ambitions territoriales de l’ Empire du Milieu se limitent à ce qu’il considère comme son espace historique, qui comprend bien sûr Taïwan.

Quant à la situation intérieure, il ne faut pas oublier qu’en 1950, les 600 millions de Chinois de l’époque vivaient pour la plupart dans la misère; des dizaines de millions d’habitants y mouraient de faim chaque année; ceux qui ont connu ces temps terribles comme enfants sont encore en vie. La majorité de la population fait donc confiance au régime qui a conduit un changement extraordinaire et profitable dans l’ensemble. Il y a certes de difficultés et du mécontentement, à cause de la pandémie et de la politique de claustration imposée à tous, à cause de la crise immobilière qui anéantit la fortune d’une partie de la classe moyenne, à cause parfois de la pesanteur de la surveillance officielle. Mais les Chinois sont un peuple discipliné, peu enclin dans l’ensemble aux aventures révolutionnaires.

En butte maintenant à l’hostilité des USA, la Chine aurait tendance à se replier un peu sur elle-même pour surmonter, par ses propres forces (qui sont tout de même considérables), les problèmes qui se posent à elle: son endettement (mais pas envers l’étranger), le vieillissement de sa population (accru par la politique antinataliste imposée naguère), l’assainissement de l’environnement (pris très au sérieux), le développement de l’innovation (pour ne plus être seulement «l’usine du monde»). Tel serait actuellement le souci principal du pouvoir, qui est d’ailleurs conscient qu’il ne doit pas s’aliéner le soutien populaire. Et l’on peut postuler que, au-delà des tumultes actuels, des équilibres naturels finiront par se rétablir; en d’autres termes, la globalisation, dans un monde rapetissé par l’aisance et la rapidité des communications, s’imposera, étant dans l’ordre des choses, à l’avantage final des uns et des autres. Et le pouvoir chinois ne l’ignore pas, n’étant dépourvu ni d’intelligence, ni de sagesse, ni de prudence.

M.de Dardel est donc modérément optimiste sur l’attitude de la deuxième puissance mondiale, qui ne serait pas conquérante, mais surtout attentive à son équilibre intérieur. Le diplomate chevronné a le mérite de donner clairement son avis, tout en précisant que cette opinion n’est de loin pas une certitude.

On peut en effet imaginer d’autres scénarios. Le premier, assez brutal, repose sur la force militaire. La Chine a considérablement développé son armée. Une armée super-puissante ne finit-elle pas toujours par être utilisée? On se représente qu’après avoir avalé Taïwan – que le monde dit libre ne défendra pas carrément – l’appétit vienne en mangeant, notamment dans l’immensité du… Pacifique. On peut aussi penser que les intérêts commerciaux de la Chine, qui contrôle d’énormes territoires et de grandes ressources en Afrique, ainsi que des ports et de nombreuses entreprises à travers le monde, entreront en conflit avec d’autres impérialismes économiques et appelleront une protection militaire.

On peut encore craindre, de la part d’un régime totalitaire, que ses dirigeants perdent la mesure. Voyez la Russie. Il y a une année encore, on pouvait tenir M. Poutine pour un dictateur plutôt éclairé, vigoureux certes et qu’il ne fallait pas provoquer, mais au sang assez froid pour ne pas se lancer dans de folles entreprises; on se trompait, probablement en sous-estimant, outre les erreurs de l’Occident, la puissance des fantasmes que l’isolement du pouvoir permet d’entretenir et de développer. M. Xi Jinping, à la tête d’un peuple de 1,4 milliard de sujets (si nombreux donc que les personnes ne comptent plus) dont tous les déplacements et les actes sont surveillés et enregistrés, entouré peut-être d’un cercle de mandarins rouges n’ayant d’autre choix que de pratiquer la courbette, échappera-t-il au syndrome meurtrier du tyran solitaire et ivre de conquêtes?

On l’espère.

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