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Les Fraternités œcuméniques de Romainmôtier

Frédéric Monnier
La Nation n° 2217 30 décembre 2022

Sous ce titre vient de paraître aux Editions Cabédita un ouvrage de Jean-Yves Savoy retraçant l’histoire des fraternités œcuméniques qui se sont succédé à Romainmôtier depuis le début des années septante jusqu’à nos jours. L’auteur qui a toujours vécu dans un milieu confessionnellement mixte, est lui-même engagé dans ce mouvement depuis le début des années 2000, il est donc particulièrement bien placé pour évoquer ces cinquante années «traversées par le souffle de l’Esprit».

Mais avant l’histoire, il y a la pré-histoire marquée par Amédée Dubois, pasteur dans la paroisse de Romainmôtier entre 1946 et 1966. Par sa foi, son charisme et son engagement, il a semé «les graines d’un renouveau liturgique et d’une vocation œcuménique». Quand le pasteur Jean-Pierre Tuscher arrive en 1967, il peut donc s’appuyer sur le solide socle d’une foi vivante; cependant il n’oublie pas que Romainmôtier «avait été animé pendant dix siècles par les moines et pendant cinq siècles seulement par la paroisse réformée», d’où son souci de «rétablir une prière régulière» dans ce lieu marqué par la priorité du spirituel en y implantant «une petite communauté de type monastique». Mais pour donner une dimension œcuménique à ce mouvement, il fallait bien sûr chercher des personnes tant catholiques que protestantes à même d’entrer dans ce projet. Et on les trouva! C’est ainsi qu’en mai 1973 s’installèrent à Romainmôtier quatre sœurs, deux de la Communauté dite des Sacrés-Cœurs et deux de la Communauté des diaconesses de Saint-Loup. Il y eut bien au début quelques oppositions dont eurent raison l’énergie, le courage et la ténacité du pasteur Tuscher; et il en fallait, car «de nombreuses instances, non seulement ecclésiastiques, mais aussi laïques et politiques et même économiques, locales et cantonales étaient impliquées d’une façon ou d’une autre dans ce projet œcuménique en terre protestante.» Sur le plan liturgique, c’est bien sûr la question de l’eucharistie qui fut la pierre d’achoppement principale; or, pour que la Fraternité puisse poursuivre sa mission, il fallait, sans les nier, aller au-delà des différences, car «l’unité ne veut pas [les] gommer. Au contraire, l’unité vraie s’en nourrit».

Cette première Fraternité se maintient jusqu’au départ des sœurs catholiques en 1998, rappelées en France par leur communauté. Suit une période «vécue comme un temps d’attente et de gestation» d’où naîtra, pour quelques années, la deuxième Fraternité qui s’appellera En Dieu te fie. Mais il était nécessaire de «pallier l’absence et le manque provoqué par le départ des sœurs des Sacrés-Cœurs». En 1998, le pasteur Schwitzguébel, qui a succédé à M. Tuscher à la tête de la paroisse, sollicite un couple en visite à Romainmôtier et qui fait partie de la communauté catholique du Chemin Neuf. Après une réflexion de quelques années, le couple en question (il s’agit de l’auteur du livre et de sa femme!) s’installe dans le bourg et décide de participer à la vie de la Fraternité. Avec l’arrivée de nouveaux membres s’ensuit alors un temps de réflexion et de rencontres diverses qui donne naissance à la troisième fraternité qui prendra le nom de Fraternité de prière œcuménique (FPO); elle sera dotée d’une charte et accompagnée d’un Conseil de la Fraternité, composé entre autres d’un délégué du Diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg et d’un délégué du Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée vaudoise.

En dépit des difficultés de toutes sortes narrées par l’auteur, la FPO est encore active aujourd’hui, et le travail, l’engagement, la persévérance des nombreuses personnes qui se sont impliquées dans ce projet sont à souligner et à saluer. Dans la seconde partie de l’ouvrage, plus largement consacré à la réalité œcuménique du XXe siècle et du début du XXIe, M. Savoy évoque l’avenir de la FPO dans un contexte de crise des vocations et d’indifférence religieuse grandissante: «la question du devenir de la Fraternité s’est posée à plusieurs reprises ces cinquante dernières années. Et Dieu a pourvu, l’histoire des Fraternités de Romainmôtier l’a prouvé. Confiance donc! Il en ira certainement de même pour l’avenir. […] En attendant, le plus important est de maintenir vivante, même dans la nuit et le désert, cette petite lampe qui ouvre et éclaire un chemin vers l’unité des chrétiens». On ne peut qu’abonder dans le sens de cette réflexion pleine d’espérance.

La constitution de ces fraternités œcuméniques est une démarche originale qui a enrichi le terreau spirituel du Pays de Vaud et qui mérite d’être davantage connue du public; on ne peut donc que remercier l’auteur d’en avoir retracé l’histoire dans un ouvrage de belle facture agrémenté de nombreuses et très belles photos de l’intérieur de l’abbatiale dues à Michel Gaudard.

 

Référence: Jean-Yves Savoy, Les Fraternités œcuméniques de Romainmôtier. Editions Cabédita, 2022

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