Le nouveau Presto sur Juste Olivier
Le déficit de connaissances des jeunes adultes sur l’histoire du Pays de Vaud montre que son enseignement à l’école fut quelque peu délaissé au profit de l’histoire suisse et mondiale. Heureusement, différentes initiatives permettent au grand public de combler cette lacune. Parmi celles-ci, on mentionnera la collection Presto, publiée aux éditions Infolio. Les petits livres qui la constituent présentent, en soixante-quatre pages, une personnalité ou un thème marquant de l’histoire suisse et notamment de l’histoire vaudoise.
M. David Auberson, historien indépendant et rédacteur en chef de la Revue historique vaudoise, aime mettre en lumière des écrivains locaux laissés en marge de la recherche académique. A ce titre, il s’est beaucoup intéressé à Juste Olivier1 et lui a donc tout naturellement consacré un Presto, paru cet été.
Richement illustré, le petit ouvrage nous plonge dans la vie de cet écrivain romantique du XIXe, depuis la ferme familiale à Eysins jusqu’au chalet du val de Cergnement, au-dessus de Gryon, où il finira ses jours avec son épouse Caroline.
Poète aux racines paysannes, Olivier est formé à l’Académie de Lausanne, dans un climat intellectuel stimulant sur lequel soufflent les vents du romantisme venu de France et des Allemagnes et du patriotisme promu par la société d’étudiants de Zofingue que rejoindra Olivier.
M. Auberson nous montre que la vie de Juste Olivier est indissociable des instabilités politiques d’ici et d’ailleurs. Comme tout homme de lettre provincial, celui-ci rêve de Paris et s’y rend, mais il en est chassé une première fois par la révolution de juillet 1830. Quelques mois plus tard, l’arrivée au pouvoir des libéraux vaudois, qui réforment en profondeur le système des études supérieures, permettra à Olivier de revenir à l’Académie de Lausanne pour y enseigner l’histoire.
C’est durant cette période qu’il publiera ses œuvres historiques les plus fameuses. Le Canton de Vaud, sa vie et son histoire est le premier ouvrage à retracer l’entier de l’histoire vaudoise et sous tous ses aspects: «Point de fleur, point d’oiseau que nous n’ayons regardé, admiré et chéri!» Contre l’esprit du temps, qui sépare nettement la connaissance objective et la poésie, Juste Olivier n’hésitera pas à mêler lyrisme et faits historiques dans son livre, ce qui lui réservera d’ailleurs un accueil mitigé.
S’il n’est pas le premier à écrire sur le major Davel, on nous rappelle qu’Olivier est bien le créateur du mythe Davel: «Marquée par le romantisme, l’époque est aussi à la construction des grands récits nationaux: alors que la France trouve en la Pucelle d’Orléans son héroïne nationale sous la plume de l’historien Jules Michelet, le Canton de Vaud peut dorénavant s’honorer d’une figure autant noble que rassembleuse.»
L’horizon va s’assombrir pour les époux Olivier après la révolution radicale de 1845. Privés de perspectives dans leur patrie, ils décident de retourner à Paris où ils passeront leurs vingt-cinq prochaines années jusqu’à ce que la guerre franco-prussienne éclate et les oblige à rentrer au Pays.
Dans cette brillante synthèse, David Auberson, fait état de l’affreux décalage entre ce que les Vaudois doivent à Juste Olivier et le traitement qu’ils lui ont effectivement réservé. Celui qui fut parmi les premiers à doter notre Pays d’une identité littéraire et nationale suscita trop d’indifférence chez ses contemporains. «C’est une triste histoire que celle de notre cher pays. Il n’y a aidé ni Viret ni Vinet, et quoique fort au-dessous d’eux, j’en sais quelque chose aussi. «Allons boire un verre», c’est la fin finale et le résumé de tout ici.» Voici le sévère jugement que formulait Juste Olivier à l’encontre de ses compatriotes dans sa correspondance avec son ami Eugène Rambert. Après sa mort, il fut certes réhabilité et, depuis une vingtaine d’années, les historiens de la littérature s’intéressent à son œuvre, mais le travail d’analyse ne fait que commencer. Aussi, nous relayerons ici l’appel de M. Auberson: «Puisse cet ouvrage susciter de nouvelles recherches autour de ce bâtisseur des lettres romandes et de l’histoire vaudoise.»
Référence: David Auberson, Juste Olivier: Romantisme et patrie, Éditions Infolio, 2023.
Notes:
1 David Auberson avait déjà publié un volume sur la famille Olivier, coécrit avec Nicolas Gex. Voir à ce propos La Nation n° 2098, p. 2.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Deux mille deux cent trente-huit – ou La Nation sur Scriptorium – Editorial, Félicien Monnier
- Plébiscite arrangé – Benoît de Mestral
- La Chasse au Cerf – Jean-Blaise Rochat
- Les chemins escarpés de la Reconquête – Olivier Delacrétaz
- Aide de l’Etat à l’industrie: attention! – Jean-François Cavin
- Claire, le récit d’une assimilation – Benjamin Ansermet
- L’impôt s’intéresse aussi aux personnes morales – Jean-Hugues Busslinger
- Désinvolture éolienne – Jean-François Cavin
- Elections fédérales: un engouement mondial – Le Coin du Ronchon