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Aide de l’Etat à l’industrie: attention!

Jean-François Cavin
La Nation n° 2238 20 octobre 2023

Le Conseil d’Etat renforce le fonds de soutien à l’industrie à raison de 10 millions pris sur l’excédent comptable de 2022 et propose un décret réglant l’utilisation de ce fonds. L’affaire est délicate, car elle met en cause l’économie libérale. On admet volontiers que l’Etat favorise l’essor de l’économie en prenant soin des «conditions cadre»: formation, infrastructures, fiscalité, etc., toutes mesures qui concernent l’ensemble des activités. Mais quand il s’agit des entreprises particulières, l’intervention publique peut entraîner des choix malheureux (car l’administration cantonale n’a pas les compétences voulues pour juger des outils de production et de la situation du marché), maintenir en vie des canards boiteux, fausser la concurrence, développer le favoritisme et un clientélisme malsain. Les aides directes ne sont donc concevables que dans des circonstances exceptionnelles.

On en a connu. En 2020, au début de la pandémie de coronavirus, notre journal a été le premier à demander un soutien de l’Etat, sous strictes conditions, aux entreprises frappées de plein fouet par la suspension de leur activité: elles n’en étaient aucunement responsables et personne n’avait prévu l’importance de la crise.

La proposition du Conseil d’Etat reste-t-elle dans ces limites indispensables? Le dossier présente une certaine ambiguïté. D’une part, le texte du décret dispose que les soutiens peuvent être accordés lorsque des événements d’ampleur, de nature notamment économique ou géopolitique, sur lesquels les entreprises industrielles vaudoises n’ont aucune influence, provoquent un recul général de la marche des affaires dans le secteur industriel. L’intervention publique est donc réservée aux situations de difficultés conjoncturelles généralisées, même si certaines notions restent floues: quelle ampleur, quel recul?

D’autre part, le gouvernement justifie son initiative en invoquant la conjoncture présente, assez chaotique il est vrai, avec l’inflation, le coût élevé de l’énergie, l’essoufflement de la Chine, celui de l’Allemagne, les guerres. Mais on ne subit pas de crise importante; si certains de nos exportateurs sont à la peine, le pays est encore en phase de croissance, même ralentie, et le personnel continue à manquer. Les difficultés du moment n’ont rien d’extraordinaire; ce sont les variations de la conjoncture auxquelles les entreprises doivent faire face avec leurs propres forces.

L’allocation de 10 millions à ce fonds de soutien est d’abord une manière de camoufler une petite partie de l’énorme excédent comptable. Une crousille est garnie, dont acte. Mais elle ne doit pas être utilisée sans nécessité avérée. Aucun soutien ne doit être accordé en douce, sans que le Conseil d’Etat ait ouvertement déclaré, arguments à l’appui et en affrontant la critique au besoin, qu’un événement d’ampleur s’est produit, que l’industrie est en recul général et que son salut exige des mesures d’exception.

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