Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

L’intervention militaire dans un Etat tiers

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 1910 11 mars 2011
Ouvrant au hasard un joli ouvrage illustré par Sennep, Histoire de France 1918-1938, je tombe sur les deux paragraphes suivants, consacrés à la proclamation de la République espagnole en 1932: «[…] une République voisine et soeur vient de naître sans effusion de sang. Cela paraît un exemple pour l’histoire, la preuve qu’une Révolution peut être pacifique.

Les débuts du régime sont faciles. Hélas! les difficultés surgissent rapidement; des différends profonds divisent ce peuple espagnol dont tous les éléments ne semblent pas avoir atteint leur majorité politique.» On connaît les suites de ces «différends profonds».

Il n’est pas absurde de craindre une évolution analogue dans les pays de l’Afrique du Nord. Sans porter de jugement moral ni établir la liste, toujours subjective et marquée par nos a priori idéologiques, de ce qu’on peut – de quelle autorité, d’ailleurs? – reprocher aux uns et aux autres, l’expérience montre que toute Révolution crée un désordre objectif qui rend possible les pires des aventures. Et quand des Etats tiers s’en mêlent, ils ont toutes les chances d’accroître encore ce désordre.

Aussi, quand on entend M. Bernard- Henri Lévy appeler la communauté internationale à bombarder le bunker de M. Kadhafi et les deux aéroports utilisés par son aviation1, sans se poser la moindre question sur les conséquences pour les uns et les autres d’une telle ingérence, on ne peut qu’être consterné devant tant de légèreté prétentieuse.

De rares révolutions ont pu se passer en relative douceur, nous pensons à la révolution de velours en Tchécoslovaquie ou à celle d’Afrique du Sud. Mais dans les deux cas, ce sont des forces intérieures, des personnes engagées et qui avaient durement payé leur engagement, des personnes pourvues d’une autorité morale reconnue, Václav Havel, Nelson Mandela, qui ont réussi à calmer les passions vengeresses et à orienter le cours des événements dans le sens du bien commun, autant que faire se pouvait.

Nous ne posons pas la non-intervention comme un principe absolu. Mais l’intervention militaire dans un autre pays, qui est un acte d’une gravité extrême, doit tout de même obéir à quelques principes politiques généraux. En premier lieu, l’Etat qui, seul ou en coalition, prétend intervenir doit être conscient qu’il prend du même coup la responsabilité de l’ensemble des événements qui en découleront, et ceci bien au-delà de l’intervention proprement dite, car la mémoire des peuples est longue. Il doit être conscient aussi que son engagement se prolongera durablement, tant l’ordre politique est une oeuvre de longue haleine, et que cela finira nécessairement par éveiller la lassitude de sa propre population. Il doit encore savoir que ce sera coûteux et sanglant. Enfin, il doit constamment se conduire dans la perspective de se retirer après avoir rétabli l’ordre et remis les rênes à des autorités du lieu qui soient plus que des pantins à ses ordres. A ce défaut, il vaut mieux se taire et laisser faire les gens du pays, ils feront de toute façon mieux.

 

NOTES:

1 Le Matin-Dimanche du 6 mars.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: