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La tradition a de l'avenir

Pierre-François Vulliemin
La Nation n° 1776 20 janvier 2006
Pourquoi cet anniversaire n’est pas le dernier

Comment, dans une société ivre de sa perpétuelle mutation au point de mettre un «P» majuscule à Progrès, la Ligue vaudoise attire-t-elle en ses rangs tant de jeunes esprits soudain classés sous l’étiquette de nationalistes, de conservateurs et, pourquoi pas, même de traditionalistes? Beaucoup de mes amis ne se l’expliquent toujours pas. Diantre, la Ligue ne distribue nulle place avantageuse et n’a pas même la main sur quelque strapontin du régime. Ce n’est pas là son rôle. Alors, pourquoi choisir d’adhérer à des thèses si mal en cour? Parce que la valeur des idées ne se décrète pas mais se constate. Parce que l’on nous a aidés à y voir plus clair. Voilà pourquoi, lorsque nous fêtons les 75 ans de La Nation, nous ne fleurissons pas une tombe, ni ne célébrons une vieillesse décrépite; nous honorons de quelques lignes, peut-être un peu balourdes, une communauté renouvelée de serviteurs du Pays de Vaud.

Cette jeunesse toujours retrouvée ne résulte pas tant d’une discipline extérieure que de la certitude dans laquelle nous évoluons avec bonheur. La force et l’attrait de notre mouvement résident en fait dans la capacité de ses membres à réagir peu ou prou de la même manière aux soubresauts de l’actualité. Extrêmement respectueux de l’autorité, nous n’attendons pas pour autant les directives courtaudes d’un état-major partisan, pas plus que nous ne sacrifions à une idéologie quelconque. Elèves convaincus par l’enseignement de nos maîtres, nous nous contentons d’observer les lois de la physique politique. Le réalisme nous tient lieu de directives. Nous constatons avec ceux qui nous ont précédés que l’homme n’est pas seul, mais qu’il baigne dans un ensemble de réalités qui le dépassent et le nourrissent, avec lesquelles il entretient une relation organique faite de règles immuables. C’est là l’explication du titre qui orne notre première page. L’idée de nation recouvre en effet une réalité précieuse et indispensable. Ce mot désigne une communauté de destin modelée au cours de l’histoire, légitime maîtresse d’un territoire qu’un long usage a fait sien. Cette communauté concerne l’homme sous tous ses aspects et ne dépend d’aucune communauté supérieure pour réaliser son bien commun.

Par sa langue, sa culture et ses mœurs, le Pays de Vaud constitue une nation et mérite donc notre amour inconditionnel, notre amour filial. Appartenir à la Ligue vaudoise signifie avoir saisi le caractère automatique de l’appartenance au Canton: on ne se met pas d’une nation, on est d’une nation. Entre le monde et l’homme, entre la nature brute et l’individu pensant, il existe un intermédiaire que l’on pourrait nommer une seconde nature: la société. Or, l’appartenance nationale constitue une modalité essentielle de notre vie d’animal social. Elle ne résulte point de notre seule volonté personnelle, mais correspond à une quantité inimaginable de désirs passionnels ou prosaïques, de besoins essentiels ou secondaires, de liens directs ou indirects, de coutumes, de mœurs, de manières d’être, de penser, de parler, dans lesquelles la conscience et la volonté jouent un rôle qui peut être le premier mais ne l’est pas toujours, ni le plus souvent. Les Vaudois commencent par être du Pays de Vaud, ils peuvent adhérer de tout cœur à cette appartenance ou se révolter contre elle, vivre dans l’indifférence de cet état de fait ou quitter notre territoire, cela ne change rien à la préexistence nationale par rapport à l’existence des individus. Si notre volonté personnelle commande notre conduite à l’égard du Pays, l’existence de la nation vaudoise ne dépend de notre volonté que dans une très faible mesure, d’une manière très indirecte. (1)

Notre engagement et notre cohésion plongent leurs racines les plus tenaces dans la conscience d’entretenir une relation profonde et mystérieuse avec la même terre, les mêmes morts et les mêmes vivants de tous poils et de toutes provenances. La Ligue a perduré parce qu’elle s’appuie sur cette réalité naturelle, parce qu’elle a su puiser dans notre vivante tradition, source intarissable de propositions créatrices et audacieuses. La Ligue perdure car il nous faut agir. « Il y a tant de choses à faire, dans ce Pays; non pas des rêves, mais des choses possibles!», s’émerveillait notre fondateur au soir de sa vie. Cette analyse politique se vérifie encore aujourd’hui. Que l’on approche de la trentaine ou que l’on coure vers ses cent ans ne fait rien à l’affaire. Voilà pourquoi une nouvelle génération de nationalistes vaudois a pris la plume. J’ai la chance d’en être, d’autres viendront après moi. Mais trêve de flagorneries, place au Pays de Vaud. Cher lecteur, vous n’avez pas fini d’entendre parler de votre Nation.


NOTES:

1) Pour s’offrir un séjour en terre nationaliste et redécouvrir combien profondément l’amour de son pays diffère de la haine des autres, lire ou relire Mes idées politiques, de Charles Maurras, et le cahier de la Renaissance vaudoise No 143, signé Olivier Delacrétaz. L’auteur du présent article reconnaît ici tout ce qu’il doit à ces lectures.

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Au sommaire de cette même édition de La Nation:
  • Imperturbable – Editorial, Olivier Delacrétaz
  • Le hameau du bout du lac – Pierre-Gabriel Bieri
  • La poésie en Suisse romande au XXe siècle, une anthologie – La page littéraire, Benoît Meister
  • Victoria Ocampo et Ernest Ansermet: correspondance – La page littéraire, Frédéric Monnier
  • † Jacques Zumstein – Daniel Laufer
  • Pour une amélioration du référendum vaudois – Olivier Delacrétaz
  • Haro sur Haury! – Olivier Delacrétaz
  • Homme ou «cheffe»? – Revue de presse, Philippe Ramelet
  • «Une force secrète et puissante» – Revue de presse, Ernest Jomini
  • Dur à avaler – Revue de presse, Ernest Jomini
  • Juvenilia LII – Jean-Blaise Rochat
  • Tel est unifié qui croyait unifier – Le Coin du Ronchon