Non à un nouvel impôt fédéral direct
Etes-vous pour ou contre l’avenir? Les auteurs d’initiatives populaires rivalisent toujours de créativité pour donner des titres attendrissants et fallacieux à leurs revendications, le but étant de dissimuler ces dernières autant que possible. Les Jeunes socialistes suisses ont poussé cet artifice jusqu’à une quasi-perfection en déposant, début 2024, un texte intitulé «Initiative pour l’avenir». La version longue du titre est «Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement», ce qui ne dit pas grand-chose de plus. Le peuple et les Cantons sont appelés à se prononcer le 30 novembre.
Le texte de l’initiative prévoit un nouvel article constitutionnel 129a, intitulé «impôt pour l’avenir», qui donnerait à la Confédération le droit de percevoir un impôt de 50% sur les parts de successions et de donations dépassant une franchise de 50 millions de francs. L’impôt serait prélevé par les cantons, qui pourraient conserver un tiers de son produit. Tant la Confédération que les cantons devraient utiliser le produit de cet impôt «pour lutter contre la crise climatique».
Une répression de l’exode fiscal à titre rétroactif
La Confédération et les Cantons seraient invités à édicter des dispositions d’exécution «sur la prévention de l’évitement fiscal, en particulier en ce qui concerne les départs de Suisse». Ces dispositions d’exécution s’appliqueraient «rétroactivement aux successions et donations survenues après l’acceptation de l’art. 129a». Visiblement, les auteurs de l’initiative ne se font aucune illusion sur l’exode fiscal qu’entraînerait une telle imposition – et qu’entraîne déjà la simple perspective de la votation puisque, en cas d’acceptation, les contribuables fortunés encore présents en Suisse le 1er décembre au matin risquent d’être poursuivis par le fisc s’ils partent à l’étranger.
Si les contribuables concernés quittent la Suisse, les ambitions socialistes en matière de politique climatique devront être revues à la baisse, ou trouver une autre source de financement. A moins que ce ne soit qu’un simple paravent dissimulant l’éternelle chasse aux grandes fortunes…
Une menace sur la transmission des entreprises
De fait, la plupart des contribuables qui disposent de plus de 50 millions en liquide les auront mis en sécurité à l’étranger d’ici fin novembre. D’autres en revanche bénéficient plus difficilement de cette échappatoire: ce sont les entrepreneurs propriétaires de leur entreprise, qui n’ont généralement pas la possibilité de délocaliser celle-ci rapidement. Les jeunes socialistes, hermétiques et réfractaires à ce qui touche le monde du travail, n’ont peut-être même pas pensé à cette catégorie de personnes!
L’Union suisse des arts et métiers cite l’exemple d’une entreprise de construction employant 150 personnes, possédant des bâtiments et un parc de machines et de véhicules, qui atteindrait facilement une valeur de 80 millions de francs. En cas de transmission à la génération suivante, les 30 millions dépassant la franchise seraient imposés à 50%, soit un impôt de 15 millions. Si le jeune repreneur ne dispose pas de cette somme en liquide, il devra s’endetter au détriment de sa compétitivité ou, plus probablement, démanteler l’entreprise.
Les conséquences concrètes d’un tel impôt, absurdes et dramatiques, suffisent à plaider pour un net refus de l’initiative; celle-ci, contrairement à ce que suggère son titre, ne laisse de place ni à la politique climatique, ni à la justice fiscale. On peut ajouter à cela un argument institutionnel: le prélèvement d’un impôt fédéral sur les successions est contraire à la logique fiscale, qui doit réserver les impôts directs aux Cantons et les impôts indirects à la Confédération. On ne cesse de répéter que l’actuel impôt fédéral direct doit être aboli, ce n’est pas pour en créer un second!
Ce sera donc vraiment NON.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Les Vaudois de l’étranger et le Conseil des Etats – Editorial, Félicien Monnier
- Deux absents – Jean-François Cavin
- La patience de la lumière – Yannick Escher
- Agnus Dei – Quentin Monnerat
- Charlotte Olivier, pionnière vaudoise dans la lutte contre la tuberculose – Carlos Gonzalez Villaverde
- Remarques sur le style – Olivier Delacrétaz
- Un budget pour gagner du temps – Cédric Cossy
- L’âme parle – Jacques Perrin
- Droits politiques pour les étrangers: c’est toujours NON – Quentin Monnerat
- Merci à M. Pierre Barbey – Jean-François Cavin
- Aux grands mots les grands remèdes – Le Coin du Ronchon