Le bruit, c’est la vie!
Le «test» consistant à limiter la vitesse à 30 km/h durant la nuit dans deux rues lausannoises a abouti, comme on pouvait s’en douter, à un «résultat positif». Cette mesure va maintenant être étendue de manière définitive à l’ensemble de la ville, sans qu’aucune force politique ne s’y oppose.
On mesure le chemin parcouru depuis mars 2001, lorsque les milieux anti-automobiles avaient connu un échec cinglant avec leur initiative populaire «Rue pour tous», qui demandait déjà une limitation générale à 30 km/h dans les localités. Le temps n’a pas arrangé les choses. Les métastases du maoïsme se sont propagées et une nouvelle génération a éclos, pour laquelle le mot liberté n’évoque rien d’autre qu’une menace contre le bien-être des individus et des animaux.
Il ne reste donc qu’une minorité de vieux schnocks pour faire du bruit. Avouons-le: au cours de ces deux dernières années, à chaque fois que nous avons parcouru l’avenue de Beaulieu après la tombée de la nuit, nous nous sommes efforcés de faire gronder notre moteur au maximum – ce qui, à la montée, n’est pas trop difficile – afin de démontrer que les mesures chicanières et vexatoires ne sont pas les plus appropriées pour rendre les citoyens plus respectueux, plus calmes ou plus doux. Cela n’a évidemment servi à rien puisque les résultats du test étaient écrits bien avant son lancement. Nous l’avons pourtant fait, comme nous continuons à le faire lorsque nous passons sur des «ralentisseurs» trop brutaux, dans l’idée que faire du bruit représente tout à la fois un signe de vie et une des dernières libertés qui nous restent.
Qui nous restaient, plus précisément. Car la nouvelle invention qui intéresse désormais les collectivités publiques, c’est le radar anti-bruit, qui permettra de dénoncer et de punir les conducteurs trop bruyants. Les contrevenants verront probablement leur immatriculation s’afficher sur de grands écrans géants, comme à Pékin. Et comme à Pékin, ils seront gratifiés de points négatifs qui les catalogueront comme mauvais citoyens, comme citoyens trop bruyants.
Au milieu des haut-parleurs des fêtes de musique, des prides, des cortèges syndicaux et des manifestations sportives, les Lausannois pourront enfin dormir sur leurs deux oreilles, sans être dérangés par les rauques vibrations de moteurs eux aussi sportifs. La devise de la ville deviendra: «Silence dans les rangs!» Et sous les deux lions qui soutiennent l’écusson1, on pourra lire: «Fermez vos gueules!»
1 Si nous déplorons la politique d’(im)mobilité routière de la capitale vaudoise, nous souhaitons en revanche exprimer notre intense satisfaction face à la décision de la Municipalité de renouer avec un logo traditionnel, délicieusement héraldique et «qui s’inscrit dans l’histoire».
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Une réédition pleine d’enseignement – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Lire et écrire? – Jacques Perrin
- Autour d’Othon III de Grandson – C.
- Hommage à Roger Francillon – Lars Klawonn
- Trop de fonctionnaires – Jean-François Pasche
- M. Wehrli nous écrit – On nous écrit, Emérentienne Pasche
- Quelle vie après le Conseil d’Etat? – Jean-François Cavin
- Un droit de veto du Parlement fédéral? – Antoine Rochat
- Liôba, Liôba… ou la voie lactée – Els Laufer
- Expressionnistes et Fauves – Jean-François Cavin
- George Templeton Strong – Jean-François Cavin
- Occident express 39 – David Laufer