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Non au congé de paternité obligatoire

Jean-François Cavin
La Nation n° 2154 31 juillet 2020

Peut-être les temps ont-ils changé. Peut-être les jeunes pères ne se contentent-ils plus d’un jour de congé, au moment de la naissance, pour annoncer le bébé à l’état-civil, apporter des fleurs à la maman, convoquer les copains et boire avec eux à la santé de la vie (vingt-quatre heures suffisent amplement à remplir ce programme de base). Peut-être les géniteurs d’aujourd’hui souhaitent-ils changer le nourrisson plus souvent qu’au retour du travail, le soir venu, et donner le biberon, une fois le sein maternel tari, plus d’une fois par jour aussi, frottant le dos si minuscule jusqu’à l’éclosion du nécessaire petit rot. Peut-être rêvent-ils d’envelopper le poupon, à d’autres moments que le samedi et le dimanche, de leur présence charnelle – quasi maternelle comme il se doit à l’ère de la confusion des genres. Peut-être.

A vrai dire, on le postule sans le savoir vraiment. Il est d’ailleurs scandaleux que le peuple doive se prononcer sur le congé de paternité de deux semaines en l’absence de toutes données chiffrées sur la situation psycho-sociologique réelle. A l’heure de la transparence dans la gestion publique, on doit s’indigner de ce silence: pourquoi l’office fédéral de la procréation (il existe sans doute, tapi quelque part dans la molasse bernoise), en relation avec la commission de politique familiale du PDC et la cellule «Germination» des Verts, ne communiquent-ils pas des statistiques fiables sur le désir des jeunes mères de voir leur mec envahir le ménage, sur l’envie des papas de se perfectionner dans l’art de la couche-culotte, mais aussi sur le coût social de la frustration des grand-mamans refoulées au placard des accessoires inutiles par ce gendre omniprésent?

A défaut de savoir, admettons donc que les temps ont changé. Certaines entreprises offrent des congés de paternité prolongés. L’Etat de Vaud, toujours à la pointe du progrès lorsqu’il s’agit de son propre confort, envisage de le porter à vingt jours; il faudra scruter l’exposé des motifs pour voir si le Conseil d’Etat impute le coût du supplément cantonal à la facture sociale et le met donc à la charge des communes pour les deux tiers.

Cette évolution reste très partielle, le congé restant fixé à une durée de un à cinq jours dans la plupart des cas. Il n’y a quasi pas de conventions collectives de travail professionnelles qui prévoiraient davantage. Questions interdites: est-ce que cela n’intéresserait en réalité guère les partenaires sociaux (à qui on devrait laisser le soin de régler ce genre de problème)? Préfèrent-ils allonger les vacances générales? Si l’on veut être visionnaire, devrait-on plutôt privilégier des congés de formation continue, pour maintenir l’aptitude au travail dans une économie en mouvement (bébé sera assez content que papa ne devienne pas chômeur)?

Et encore: le congé de paternité obligatoirement prolongé ne serait-il pas surtout l’alibi de politiciennes et politiciens qui, après s’être indignés durant des lustres sur les injustices de la condition féminine, sont pris de scrupule d’avoir négligé les mâles?

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