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Actualités  |  Mardi 29 mai 2018

Un cinéaste face aux dealers de rue

Les idées toutes faites nous dispensent de réfléchir. L'une d'entre elles est que toute personne de gauche doit considérer le dealer (petit trafiquant) comme une victime et dénoncer l'inhumanité de la répression policière qui s'exerce à son égard. L'idée complémentaire est que toute personne proposant de renforcer ces mesures répressives est une brute antédiluvienne, insensible et ignorante. Et voilà que le cinéaste Fernand Melgar, étiqueté humaniste de gauche, vient de briser cette commode représentation de la société.

N'acceptant pas le fait que, dès 7h du matin, des dealers rôdent autour de l'école de ses enfants sans que la police n'intervienne, il demande que la Ville de Lausanne soit poursuivie pour homicide par négligence à chaque fois qu'un adolescent décède de la drogue. «Nous sommes en situation de guerre», déclare-t-il encore.

Quand quelqu'un sort à ce point du cadre, et même si sa volonté de provoquer est manifeste, il doit s'attendre à de sérieuses réprimandes. Elles n'ont pas manqué. On lui a notamment reproché de «faire le lit de l'UDC». En clair, un homme de gauche a le devoir de cacher la vérité s'il se trouve qu'elle est aussi proclamée par la droite. M. Melgar répond qu'il ne parle pas en tant qu'homme de gauche, mais en tant que patriote: «Je suis une personne engagée, un citoyen, un père de famille».

Hier matin, la RTS a donné un extrait de l'émission Forum, où M. Melgar était confronté à M. Pierre Conscience, conseiller communal d'extrême gauche. Il vaut la peine d'écouter cet échange: la voix de M. Melgar est pleine d'émotion, d'incompréhension et de colère; celle de M. Conscience est hautaine, froide et définitive. Car il sait, lui. Il «sait» que la solution consiste primo à dépénaliser le commerce des drogues et secundo à donner des permis de travail aux dealers. Ces prétendues solutions ne sont en fait qu'une façon d'esquiver la question en rattachant les faits concrets qu'évoque M. Melgar à des considérations si vagues et générales qu'elles en échappent à la réfutation.

Manuel Valls avait déclaré après le Bataclan que les Français devraient désormais vivre avec le terrorisme. M. Conscience et plus d'un élu, y compris du centre-droite, font de même à l'égard du deal de rue: ils jouent les réalistes en théorisant leur incompétence.

M. Melgar a revendiqué son droit de dénoncer l'inefficacité des autorités sans être obligé de proposer lui-même des solutions. A chacun son boulot: on peut dire au boulanger que son pain est raté sans devoir lui donner la bonne recette. A ce propos, rappelons que M. Melgar n'est pas seulement un citoyen qui demande protection et justice à ceux qui sont élus pour ça. C'est aussi un cinéaste. Ne tient-il pas là le thème capital et difficile, dangereux même, d'un prochain tournage?

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 29 mai 2018)