Un problème mondial appelle-t-il une solution mondiale?
Le réchauffement mondial du climat semble avéré. En revanche, l'importance de la responsabilité humaine est plus incertaine. Selon les participants aux «grèves scolaires pour le climat», l'homme y est pour beaucoup, ce qui signifie, a contrario, qu'il peut réagir et rectifier le cours des choses.
Spontanément, on se dit qu'un problème mondial appelle une action mondiale, avec des lois mondiales et une force mondiale pour les faire respecter. Dans son livre «Engagez-vous!», Stéphane Hessel prévoyait déjà une OME, une Organisation mondiale pour l'environnement, à laquelle les autres organisations mondiales devraient rendre des comptes. Cette concentration mondiale de l'action et de la décision apparaît à beaucoup comme d'autant plus nécessaire que le temps presse. Des équilibres majeurs sont rompus. Des lacs s'assèchent. Les pôles fondent. Pour certaines espèces animales et végétales, il est déjà trop tard.
La perspective d'un changement d'échelle et d'un pouvoir unique nourrit l'espoir d'une action universelle, rationnelle, rapide, efficace et transparente, dégagée des pesanteurs bureaucratiques, des intérêts égoïstes et des luttes entre les Etats. Mais en réalité, si les responsables mondiaux sont désignés démocratiquement, il est très vraisemblable que nous aurons affaire aux même partis – avec un échelon de plus – et aux mêmes politiciens, ceux qui gouvernent actuellement, avec l'évolution climatique que l'on sait.
Et puis, d'autres urgences sont présentes dans les esprits, urgences politiques, sociales, morales, économiques. Ceux qui s'en occupent ne verront, dans le combat climatique mondial, qu'un nouveau terrain d'action. On nous rétorquera que le souci climatique est prioritaire, car si la planète meurt, les autres urgences n'auront plus de raison d'être. Le raisonnement peut se tenir, mais peut-il convaincre? La plupart des gens arrivent bien à se dissimuler, à coups de futilités, la réalité de leur propre mort, pourtant inévitable, et cent fois plus évidente et proche que celle de la planète terre.
Surtout, on constate que, jusqu'à aujourd'hui, toutes les formes de mondialisation nous ont toujours entraînés vers plus de pouvoirs non politiques, plus d'opacité en ce qui concerne les décideurs et les décisions, plus de pressions sur les petits Etats et les petites entreprises, en un mot, plus de désordre. En mondialisant la politique climatique, on ne fera qu'ajouter à ce désordre.
Cela signifie, non pas qu'on ne peut rien faire, mais que le cadre mondial n'est pas le cadre d'action adéquat. Les situations concrètes étant différentes, les peuples étant différents, il faut à chacun d'entre eux une politique conforme à son génie propre et des lois qu'il comprendra et acceptera. Le problème est mondial, les solutions restent nationales.
(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 19 février 2019)